L’échec scolaire qui débouche sur le chômage et sur une exclusion progressive de la société… Le cercle vicieux a tôt fait de s’installer et pointe un fautif: l’illettrisme. Et pire, l’analphabétisme. Une plateforme mobilise les acteurs pendant deux jours pour déboucher sur des actions potentiellement finançables par l’Europe.
Élue grande cause nationale en 2013, la lutte contre l’illettrisme manquait de moyens pour organiser une lutte efficace à Mayotte.
Et si plusieurs structures œuvrent dans leur coin, il n’existe aucune centralisation des actions en cours, pour une meilleure optimisation du travail. C’est le premier objectif de la Plateforme de lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme qui déroule sa première action sur deux jours, ces 7 et 8 septembre à la Cité des métiers à Mamoudzou.
Avec un premier constat inquiétant : 58% de la population est touchée, dont 39% par l’analphabétisme (Source Enquête INSEE-OPCALIA). Et plus étonnant, «on a la même proportion chez les salariés et chez les jeunes français scolarisés», indique Jean-Christophe Lebrun, chef de projet de mise en place de la Plateforme.
Le français, langue administrative
C’est l’Etat, à travers la Direction du travail et de l’emploi (Dieccte) qui la finance, mais ce sont les fonds européens du FSE qui sont visés, avec un cofinancement possible du Pôle emploi ou de la politique de la ville du conseil départemental. Le comité de pilotage de la Plateforme rassemble d’ailleurs le département aux côtés de la Dieccte, d’Opcalia et de Pôle emploi.
L’absence de maîtrise de la langue française est en cause: «considérée comme une langue scolaire et administrative, elle n’est pas parlée dans les foyers», rappelle Mariame Saïd, la vice-présidente du conseil départemental chargée de la formation et de l’insertion, qui fait le corollaire sur le décalage entre l’offre de formation existante et le niveau de la population. La situation d’échec des apprenants impacte alors sur les résultats de la formation.
« Ne pas confondre illettrisme et inintelligence »
Mais attention, illettrisme n’est pas synonyme d’impasse. Il suffit pour s’en convaincre d’évoquer ce bachelier avec mention, réfugié syrien, qui ne parlait pas français trois ans auparavant. «Il faut casser les idées reçues, met en garde Bruno Tessier, chargé de la politique de la ville à la préfecture de Mayotte, et représentant l’Agence de lutte contre l’illettrisme. Il ne faut pas confondre illettrisme et inintelligence et les causes de l’illettrisme ne sont pas forcément liées à une dynamique sociale, mais aussi à une rupture familiale, un problème de santé… etc.»
Une action qui doit se poursuivre à tous les âges de la vie, rappelaient les organisateurs, qui doit impliquer associations mais aussi parents. Mais une première interrogation se pose, «comment amener la population vers les structures qui peuvent l’aider?»
Pour y répondre, les deux journées ont différencié les publics, salariés du public et du privé, et les autres, ceux qui sont pris en charge par les organismes invités ce lundi matin.
Ils sont une cinquantaine et sont appelés à intervenir pour faire part de leurs expériences : Ligue de l’enseignement, association des parents d’élèves d’Acoua, Centre de ressource de Mayotte ou organismes de formation professionnelle…
Le Plan départemental de lutte contre l’illettrisme de Marie-Luce Penchard avait fait long feu. Il semble que l’arrivée des fonds européens boostent les volontés. Et fassent évoluer les dogmes sur le français comme préalable : «Il ne faut pas jouer une langue contre une autre», mettait en garde Bruno Tessier.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte