Avoir un numéro et une adresse, c’est un luxe à Mayotte, puisqu’il donne l’assurance de payer ses impôts… Et de plus en plus d’habitants sont répertoriés à Koungou, grâce au travail de terrain de Mounirou Ahmed Boinahery. Mais avec 20% d’adressage correct, Mayotte est encore très en retard. Ce que déplore La Poste.
Notre dernier article sur la taxe d’habitation a fait réagir dans les quartiers « koungwés», puisque c’est ainsi que l’on appelle les habitants de Koungou, nous apprend la mairie. Alors que le problème d’adressage est mis en avant comme problème numéro un de recouvrement par les services fiscaux, bon nombre d’habitants qui reçoivent régulièrement leur courrier à des adresses dûment répertoriées, indiquent n’avoir toujours par reçu d’avis à 4 chiffres de foncier à acquitter.
La commune de son côté, travaille sur les problèmes d’adressage depuis octobre 2014, nous apprend celui qui s’est collé à cette tache pharaonique, l’hyperactif Mounirou Ahmed Boinahery, Responsable des Affaires générales à la mairie de Koungou : «C’est une démarche menée conjointement avec La Poste. Je peux dire que nous avons identifié et nommé toutes les voies répertoriées en 2009.»
Ainsi, le 14 rue du Bassin, en raison de la cuve Sogea à proximité, est devenue le 18 rue Digole, « du nom de l’habitant à l’origine du quartier ».
La traçabilité des impôts en marche
Reste la partie cachée de l’iceberg : vérifier que les occupants sont légitimes, soit propriétaires, soit locataires. «S’il n’ont pas de titre, et à moins de l’aval écrit du propriétaire, je ne fournis pas d’adresse. La Poste ne peut alors faire de raccordement postal, l’occupant ne pourra recevoir son courrier, à moins d’être hébergé chez quelqu’un d’autre ».
Des adresses qui ne seront donc jamais validées, mais malgré tout répertoriées par les services de la mairie, « cela me permet de mettre à jour le plan cadastral. » Ce que les habitants ne savent pas encore, c’est que pour chaque adresse validée, un courrier est envoyé à la Direction régionale des finances publiques, qui pourra alors recouvrer les taxes dues. « Plus on sera à payer, plus le taux des taxes sera faible l’année prochaine », confie le cadre de la mairie.
Les plaques des rues et numéros de maisons ne sont pas encore en place, « j’espère les faire voter sur le budget 2016. »
Un service payant de La Poste
Sur les 4 des 6 villages koungwés, Majicavo Koropa, Koungou, Trévani et Kangani, 4.058 adresses ont été validées, « et 1.200 rejetées, toutes à cause du foncier. » La tâche qui lui reste à accomplir est difficile à estimer, « il me faudrait le nombre de foyers. »
Un travail pour lequel La Poste se déclare légitime, comme le réclame Jean Rivo, Directeur de l’activité courrier et colis à La Poste : « l’adressage est une de nos compétences. Il s’agit de numéroter et de nommer les voies, puis de les cartographier pour mettre à jour un plan cadastral. Il faut ensuite communiquer par écrit aux habitants leur adresse. »
Mais un service payant auquel les communes ne font pas appel, comptant sur leurs propres équipes… De compétences inégales, si l’on en croit Jean Rivo et ses chiffres : « le taux d’adressage est de 20% à Mayotte. Sur les 70.000 foyers, 45% ont une boite aux lettres, mais la majorité n’est pas correctement renseignée, notamment en raison des problèmes de patronymes revisités par la Commission de révision de l’Etat civil. »
Pamandzi la bonne élève
Quand ne se greffent pas des problématiques locales. Il prend justement l’exemple de Koungou où une double numérotation des voies embrouille les facteurs, « issue de deux délibérations municipales successives. » Il aimerait être saisi par l’ensemble des communes sur ces problèmes d’adressage.
La bonne élève, c’est Pamandzi, « qui a avancé à 80% sur le sujet », et la moins bonne… Dzaoudzi Labattoir, sa voisine, la commune du président de l’association des maires.
En compagnie de Mounirou Ahmed, les dossiers dûment classés coincés sous le bras, nous nous enfonçons dans la rue Hamachaka, « ce qui veut dire ‘là où il y a des problèmes’. Un nom donné par les habitants pour suggérer qu’il était difficile d’y accéder ! » Car c’est cela aussi se pencher sur l’adressage, c’est retracer l’histoire du village, de ses quartiers, des habitants qui y vivent.
Un travail sur terrain mouvant puisque de nouvelles cases se montent chaque jour, que des chemins fleurissent, « sur le lieu dit ‘Montlegun’ par exemple, c’est une centaine d’habitants qui s’est approprié la surface en trois ou quatre ans. »
Un problème pour la mairie, prise en tenaille entre la destruction de ces bangas au risque de livrer des habitants à la rue, et la nécessité qu’un jour tout rentre dans l’ordre… Un problème généralisé sur le territoire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte