Au moment de célébrer son anniversaire, Solidarité Mayotte évoquait la situation des demandeurs d’asile à Mayotte, ce vendredi au Sakouli. Ils sont 1.200 accompagnés par l’association, souvent issue des classes sociales supérieures dans leur pays.
Au moment de fêter les 10 ans de Solidarité Mayotte, Pierre Sadok, son président bénévole réalise qu’il est un des plus anciens de l’association. Depuis 5 ans, il participe à la vie de la structure créée par Véronique Castany avec un groupe d’amis en juin 2004. A l’époque, ils voulaient réagir à l’arrivée importante de demandeurs d’asile de la région des Grands lacs. Il fallait venir en aide à ces personnes démunies.
10 ans après, «la logique reste la même mais nous avons choisi de nous professionnaliser dans nos différents domaines d’intervention», relève Pierre Sadok. Les petits locaux disséminés ont laissé la place à une grande maison dans laquelle travaillent à présent 26 salariés. «Solidarité Mayotte est aujourd’hui pleinement intégrée dans le schéma médico-social de Mayotte», constate Pierre Sadok alors que le flux de migrants n’a jamais connu de répit. En 5 ans par exemple, le nombre de mineurs demandeurs d’asile pris en charge par Solidarité Mayotte est passé de 15 à 140, «des enfants dont certains sont arrivés seuls, à peine âgés de 4 ou 5 ans, après un parcours d’exil».
Le centre d’hébergement pour adulte compte 15 lits, une capacité que l’association espère tripler. Et Solidarité Mayotte demande inlassablement, encore et toujours, un centre d’hébergement pour mineurs, «pour faciliter le suivi régulier d’une population fragile.»
L’alimentaire comme entrée
«Une des spécificité de Solidarité Mayotte, c’est l’aide alimentaire, quelque chose à laquelle on tient beaucoup. Nous avons donné 40.000 paniers l’an dernier en 3 distributions hebdomadaires. Ca nous permet de garder un contact physique et d’affiner le contenu des paniers en fonction des personnes» précise Romain Reille, le directeur.
«Avec l’ARS, nous avons mis en place des paniers famille, mineur, célibataire ou encore un panier destiné aux démunis ayant des pathologies lourdes. 80 personnes bénéficient de ces paniers qui sont par exemple boostés en protéines et calibrés par une diététicienne de l’hôpital». Solidarité Mayotte, grâce aux dons de particuliers et d’entreprises a pu aussi y intégrer des légumes et des produits frais… Et même parfois des œufs, «ce jour-là, pour nous, c’est la fête !»
Accompagnement complet
«Nous sommes sortis de l’aide d’urgence pour passer à un accompagnement transversal. L’aide alimentaire reste la porte d’entrée, pour ensuite aller vers l’aide vestimentaire, l’hébergement, la lutte contre l’illettrisme, la formation, l’accompagnement social, administratif, financier et même sanitaire». Le centre de santé de Solidarité Mayotte s’est en effet étoffé avec la présence d’une infirmière, d’une psychologue ou encore les interventions d’un art-thérapeute qui permettent à ces demandeurs d’asile de faire ressortir un peu des drames inimaginables qu’ils ont été amenés à supporter.
«On travaillait sur la base de dessins et de peintures mais dans la grande majorité des cas, ça provoquait une frustration. Avec le découpage-collage, ils arrivent à raconter des choses qui viennent des tripes. On ne découpe pas et on ne colle pas par hasard», relève Bebop qui assure ses ateliers tous les jeudis.
Disqualification sociale
Mais toutes les initiatives, les aides communautaires et associatives «ne suffisent pas à ses personnes pour survivre au quotidien», comme le note une étude menée par le département sociologie de l’université de Bordeaux sur «les modalités de survies des demandeurs d’asile à Mayotte».
Dans notre département, les demandeurs d’asile vont donc avoir recours à la vente illégale de produits, à des travaux dissimulés dans le BTP, le gardiennage, la garde d’enfant ou le ménage et à «des relations moyennant finances» voire à de la prostitution. «Et pourtant, les trois quarts des demandeurs d’asile sont issus des classes moyennes et supérieures de leur pays d’origine. On y trouve des enseignants ou des professions médicales qui ont des connaissances et des savoir-faire qu’ils n’arrivent pas à mettre à profit à Mayotte».
Cette disqualification sociale très importante peut avoir de lourdes conséquences avec de profondes dépressions et un sentiment de non-existence sociale, relève également l’étude.
Mayotte, une étape
A Solidarité Mayotte, comme partout, les attentes se tournent vers le département. Le travail collégial avec l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, est une réalité, «mais l’association a toujours l’espoir de bénéficier d’un accompagnement financier du conseil départemental aux côtés de tous les services de l’Etat, mais aussi une reconnaissance du travail accompli», précise Pierre Sadok.
Solidarité Mayotte s’occupe de 1.200 demandeurs d’asile, sachant que pour la plupart d’entre eux, Mayotte n’est qu’une étape de leur parcours. Une fois qu’ils ont obtenu leur papier, ils enclenchent une démarche de regroupement familial avant de partir pour la métropole où, une nouvelle fois, une autre vie les attend.
RR
Le Journal de Mayotte