Une fable à la morale de plus en plus aléatoire, à entendre le président de l’association AJKE de Kawéni, Julien Gauquelin. Une opération de nettoyage était menée dans le quartier, soutenue malgré leurs réticences croissantes par quelques entreprises. Elle n’est qu’un première étape dans une stratégie de reconquête de l’image du quartier.
On en est certain, les associations l’ont compris, « L’avenir, c’est la propreté ». « Mayesha Ourahafou », s’intitule cette nouvelle opération de nettoyage de Kawéni. C’est l’association Jeune Kawéni Espoir, AJKE, qui l’initie. Son président Julien Gauquelin est connu pour avoir organisé la très cadrée marche pour la paix l’année dernière, qui avait fortement rassemblé à Kawéni.
Il réitère toujours sur le thème de la pacification de ce quartier à mauvaise réputation : « nous avons pu mobiliser quelques mineurs scolarisés en primaire et collège, et si les jeunes les plus difficiles, ceux qui trainent autour de la rivière, sont absents, nous allons de nouveau les solliciter », indique-t-il.
C’est avec un dossier de motivations sous le bras, où est affiché en gras l’article premier de la charte de l’environnement « Chacun a le droit de vivre dans un environnent équilibré et respectueux de la santé », qu’il est parti démarcher les entreprises et les administrations : « insérer socialement les personnes en difficulté, agir contre la répétition des situations d’exclusion, faire de la médiation sociale pour prévenir les conflits… », toute une liste d’objectifs compliqués à atteindre, mais il est déterminé.
La bourse ou l’accompagnement… il faut choisir
Des arguments qui ont malgré tout de plus en plus de mal à atteindre les chefs d’entreprise, victimes de cambriolages à répétition : « certaines ne veulent plus donner si ça n’a pas de portée réelle ensuite. » Il fait donc passer le message aux jeunes : « tant que vous irez voler, on ne nous donnera plus rien. Par contre, si nous sommes actifs, les entreprises sont prêtes à nous aider. »
C’est le cas ce samedi matin où Somaco et Sodifram ont donné des cartons de mabawas, des boissons et des tee-shirts, pour les journées de nettoyage de la zone industrielle. Où Luvi, K’Prim et Mayotte équipement fournissent maquette, affiches et pancartes pour une prochaine campagne de communication.
C’est plus difficile du côté de la mairie de Mamoudzou, qui a donné râteaux, gants, combinaisons et sacs poubelle, « mais qui ne vient jamais nous encourager », déplore Julien Gauquelin, qui regrette que des raisons partisanes de son implication dans la gestion des déchets de la ville soient mises en avant. « Il va falloir pourtant que la mairie nous épaule davantage avec un équipement plus élaboré, comme des Bobcat, si nous voulons nous attaquer aux déchets qui jonchent la rivière », avance-t-il.
Se lancer dans l’artisanat
Pendant que nous parlons, les jeunes s’activent méthodiquement, sous un soleil harassant, à ne plus laisser la moindre canette ou morceaux de plastique à l’air : « nous sommes partis de notre quartier Gaza à Kawéni, pour remonter vers le rond point SFR, puis passage derrière les pompier, notamment sur la route non goudronnée, pour rallier la SOMACO et revenir à Gaza », explique Rayaha Abdallah. Lui, les déchets, il connaît : « j’ai été diplômé par Insidens pour la formation d’agent technique de déchetterie, et je dois bientôt partir en métropole pour poursuivre chez SITA, dans le recyclage. »
Et ce n’est pas fini. Julien Gauquelin explique sa stratégie : « Nous allons construire derrière la future MJC de Kawéni, des bangas traditionnels en torchis, qui nous seront réservés et dans lesquels nous allons faire de l’artisanat. Ils serviront aussi aux mineurs isolés qui dorment au « Sénat », à côté du restaurant chinois, ou prés de la rivière. » Planter des fleurs, s’agrandir jusqu’à la pépinière… Il en rêve.
Sans activité pendant les vacances à Mamoudzou
De même qu’en tant qu’assistant d’éducation au collège K1, il envisage des actions pour améliorer le niveau scolaire des jeunes. « L’absentéisme est souvent le témoin d’une scolarité incomprise, beaucoup savent à peine lire et écrire en collège, et ne connaissent pas leurs tables de multiplication. Il leur faut donc du soutien scolaire, mais aussi des activités extrascolaires, du théâtre, de la musique ». Il déplore aussi qu’aucune activité ne soit proposée aux enfants pendant les vacances scolaires. Il est vrai que la commune de Pamandzi reste leader dans ce domaine.
Il retourne à son râteau, remplit les sacs, tout en regardant alentour : aucune poubelle n’est mise en place par la mairie aux alentours de HD. Les services de la mairie avançaient lors d’une conférence dans la semaine, les détériorations sur les bacs collectifs, « mais avec quelle fréquence sont-ils abîmés ? Ils pourraient installer des caches poubelle qui empêcherait toute manipulation malintentionnée », relève Julien Gauquelin.
Surtout, la mairie l’avait indiqué lors de la même conférence : 1.000 containers poubelle sont actuellement en stock.
Les jeunes ont recommencé la même opération ce dimanche et d’autres actions sont programmées tout au long du mois de novembre*, qui se termineront par une table ronde.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Samedi 31 octobre 2015 : organisation d’un match de football entre Majicavo et Kaweni puis d’un concert entrée libre au terrain de foot de Kaweni
Dimanche 1er novembre au 22 novembre (week-ends) : nettoyage des rivières et de la mangrove – désherbage et curage des caniveaux
Samedi 28 novembre : organisation d’une journée de rencontre avec les chefs d’entreprises, les centres de formation et tous les acteurs locaux autour de la réinsertion des jeunes.
Dimanche 29 novembre : journée festive avec l’ensemble des participants et des partenaires à l’opération et organisation d’une table ronde autour des actions à suivre.
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