Pendant trois jours s’est déroulé à La Réunion un colloque organisé par la Caisse des Allocations familiales de la Réunion intitulé «Regards croisés sur la famille et la parentalité dans l’Océan Indien». Des débats auxquels participaient tous les pays et îles de la zone. Mayotte a du faire le forcing pour y être présente. Des liens ont donc pu se nouer malgré tout.
La Tanzanie, Maurice, l’Afrique du sud, Madagascar, les Seychelles, le Mozambique et les Comores avaient envoyé des représentants à l’invitation de la Caisse d’allocations familiales de La Réunion. Il s’agissait pendant trois jours de Colloque du 27 au 29 octobre, d’évoquer la fonction parentale dans différentes sociétés. Elle a beaucoup évolué ces dernières années, mobilisant les acteurs sociaux, les incitant à collaborer pour une meilleure compréhension et pour mettre en place des réponses appropriées.
On le sait à Mayotte, c’est un sujet prégnant, puisque nombre de parents n’arrivent plus à gérer et se reposent sur les politiques publiques pour encadrer leurs enfants. Un constat qui se fait aussi à La Réunion, où vivraient plus de 50.000 familles mahoraises.
Mais bien que le sujet du colloque soit, de l’aveu même d’Eric Marguerite, le président d’administration de la CAF Réunion, « essentiel au devenir de la société réunionnaise », notre île n’était pas invitée. L’argument officiel de la Caisse des Allocations Familiales de La Réunion, qui nous a été rapporté, est que chaque pays de la zone était représenté, la France donc par La Réunion. Le même laïus servi pour justifier l’exclusion de Mayotte de la Commission de l’Océan Indien, question qui, faute d’être tranchée, a provoqué un incident diplomatique lors des derniers Jeux des Iles.
Une réponse négative à l’inscription au colloque
Nous avons donc contacté Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président qui mène la politique d’action sociale à Mayotte : « nous sommes déçus de ne pas avoir pu apporter notre contribution sur place. Un acte que nous espérons être un oubli malheureux, et pas mû par un sombre calcul. Il faut absolument rectifier le tir lors de la prochaine édition. »
Malgré la réponse négative de la CAF 974 d’assister à ce colloque, la Délégation de Mayotte à La Réunion n’a pas cédé à la pression et s’est présentée aux trois journées. Ainsi ce service du conseil départemental de Mayotte a déconstruit les représentations et a confirmé la nécessité d’évoluer à travers les cultures diverses de la zone OI.
Cette exclusion devenant donc vide de sens et laissant la place à la construction interculturelle déjà en cours entre les deux territoires et qui devrait s’élargir.
La Délégation de Mayotte a souhaité fuir toute vision polémiste voire tout débat politicien.
En préambule, plusieurs participants de La Réunion, de Madagascar, de Maurice, de la Tanzanie, des Comores, du Mozambique, ont notamment fait part de leur étonnement quant à l’absence des associations et professionnels en charge de la famille et de la parentalité mahoraise.
« Transmettre le désir de transmettre »
Les échanges furent nourris autour des débats aux titres proches de l’humour noir dans ce contexte, « Quelles attitudes favorables pour une collaboration interculturelle fructueuse dans l’Océan Indien ? », ou « Les fondements anthropologiques, historiques et sociologiques de la famille dans les différents pays de la zone »…
Anthropologues et psychanalystes ont justement débattu sur la place laissée à l’enfant en tant que personne pour que les familles accompagnent au mieux cet adulte en devenir. Un regard différent en fonction des cultures, puisque certaines laissent le groupe éduquer l’enfant, quand seuls les parents sont concernés ailleurs, et alors que des tuteurs périphériques sont sollicités par certaines sociétés.
Pour élever un enfant, « tout ne se joue pas avant 3 ans », soulignait la psychanalyste, qui contrait le best seller américain des années 70 du docteur Fitzhugh Dodson. Un consensus était fait sur la nécessité de « transmettre le désir de transmettre », et de « donner à aimer à nos enfants ».
Ouverture d’un Observatoire de la parentalité à La Réunion
Les exposés des associations réunionnaise, malgache, mauricienne, comorienne et tanzanienne, mozambicaine apportaient une contribution aux expériences croisées, et confirmaient que décidément, « le singulier est pluriel », que la somme et le partage de nos spécificités peuvent peut enrichir le débat.
Le colloque succédait à l’ouverture la semaine dernière de l’Observatoire de la parentalité à La Réunion. Il a été créé pour répondre aux besoins d’une évolution sociétale où le soutien de la parentalité devient un enjeu public.
Le mot de « empowerment » était lâché en sujet de la 3ème table ronde, qui se traduit par « le pouvoir d’agir des parents ». Sur ce biais, les médiateurs entre autres se verraient comme des « passeurs de mots » pour aider le groupe ou les parents, à retrouver le chemin du dialogue.
A cet effet, des dispositifs existent comme le Contrat local d’accompagnement à la scolarité, ou les classes-passerelle. Des parents présents ont pu témoigner de leur efficacité dans la reconquête du dialogue familial. Les expériences des autres pays sont également transposables…
Des intervenants, universitaires ou spécialistes médicaux, qui se sont mis à la disposition des pays et régions demandeurs. Ils ont d’ailleurs échangé avec la Délégation de Mayotte à La Réunion qui a joué là, à plein, son rôle d’interface de notre île.
Les regards se tournent vers la deuxième édition dans deux ans, en espérant que les ratés seront transcendés pour prouver que les ententes et les enjeux parviennent à dépasser la politique politicienne.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte