Contre l’érosion et le développement des padzas, Mayotte lance un programme expérimental de reboisement à Kahani, avec des techniques inédites chez nous. Des espèces végétales locales vont pouvoir reconquérir leur territoire perdu. Le programme était présenté au département ce jeudi.
Les tentatives pour lutter contre le recul des espaces boisés ne datent pas d’aujourd’hui dans notre département. La DAAF (direction de la forêt) et le service forêt du département ont déjà mené des expériences. Mais c’est une nouvelle période qui s’ouvre avec un programme expérimental dont l’approche est inédite à plus d’un titre.
Jusqu’à présent, les espèces végétales utilisées pour le reboisement étaient «exotiques». On utilisait par exemple l’acacia, une plante qui n’a pas sa place naturellement sur notre île.
«Désormais, nous allons chercher des alternatives pour reboiser avec des espèces indigènes», explique Jeannette Lartigue, responsable du service ressource forestière du département.
Problème : on a encore beaucoup à apprendre sur ces espèces et en particulier sur la façon de les mettre en culture pour pouvoir produire des plants à grande échelle.
«L’objectif est de lister les espèces indigènes potentiellement utilisables pour élaborer des itinéraires de production», explique Valérie Guiot du conservatoire botanique de Mascarin. Dans les serres du BCNM de Coconi, les botanistes apprennent à cultiver les plantes indigène voire endémiques, en apprenant comment semer leurs graines et faire en sorte qu’elles se développent correctement.
Utiliser les champignons
C’est là que le 2e volet expérimental intervient. Avec l’aide d’INOQ, une PME allemande, ils vont apprendre à travailler avec des champignons qui vivent en interaction avec les racines des plantes pour favoriser leur croissance et leur résistance et permettre ensuite des replantations. La méthode s’appelle la mycorhize.
«En fonction des résultats, les plantations et tous les aspects opérationnels seront mis en œuvre en 2016 et 2017», précise Laurent Mercy, le directeur de l’ONF qui coordonne le programme. Le terrain d’expérimentation choisi est le padza de Kahani. C’est là que la reconquête de sols totalement érodés pourrait être testée en grandeur nature.
Le CBNM a réalisé un état «physio-sociologique» de la zone, autrement la liste des espèces et les interactions entre elles pour savoir ce qu’il faut conserver, ce qu’il faut enlever et ensuite replanter.
L’exemple mauricien
De ce point de vue, l’exemple vient de l’Île Maurice. Dans une vallée de l’est mauricien et sur deux îlots, la Mauritian Wildlife foundation met en œuvre des méthodes pour restaurer la forêt primaire, envahie d’espèces importées et fortement dégradée aussi bien par l’homme que les chèvres et les lapins. Jean-Claude Sevathian est venu spécialement pour exposer ses façons de faire. «Chez nous, il n’y a plus que 2% de surfaces couvertes de forêts primaires et 13% de forêts très dégradées», explique-t-il. L’expérience a permis de reconstituer 9 hectares en repiquant 10.000 plants dans la vallée de Feney et plus encore sur les îlots.
A Mayotte, le projet d’un montant de 133.000€, financé par l’Europe (FEADER 75%), la DEAL (18%) et le département (7%), ne pourrait être qu’un commencement. Si l’expérience fonctionne, elle a vocation à être reproduite dans de nombreuses autres zones que l’homme a gravement abîmé au fil du temps.
Les questions autour de notre environnement ne sont donc pas seulement une longue liste d’espèces en danger et de craintes pour le futur. Ce sont aussi des tentatives prometteuses pour inverser le cours des choses et restaurer ce que nous avons détruit.
RR
Le Journal de Mayotte
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