C’est sans doute la première fois que le conseil départemental fait directement une proposition écrite à un ministère sur un projet de loi. Et sur un domaine crucial pour notre territoire : la protection de l’enfance, et surtout, celle des mineurs isolés.
Cette proposition de loi vise à renforcer un texte du 2007 réformant la protection de l’enfance. Elle touche autant les Protections Maternelles Infantiles (PMI) où sera désigné un médecin référent, que la formation continue des professionnels de l’enfance ou l’ajout dans les missions de l’ASE de veiller à la stabilité du parcours de l’enfant.
Elle avait été adoptée en 1ère lecture par l’Assemblée nationale en mai dernier et en 2ème lecture par le Sénat ce 13 octobre 2015. Avant de repasser à l’Assemblée nationale le 19 novembre prochain, le département de Mayotte a donc souhaité y apporter sa patte et en vue de déposer quelques amendements. Ils devraient être relayés par les parlementaires.
Le département a adressé ce 2 novembre au ministère des affaires sociales deux propositions phares : la création à Mayotte d’une Instance territoriale dédiée à la prise en charge globale des mineurs isolés étrangers et la mise en place d’une Plateforme territoriale de coordination de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers.
Trouver un financement approprié au territoire
Dans un but bien précis, celui d’intégrer l’Etat dans le financement des dispositifs de prise en charge comme c’est le cas en métropole. Si la compétence de la protection des mineurs « privés temporairement de la protection de leur famille » relève du département, le dispositif national met en effet en place un financement public.
L’Etat prend en charge la première phase de mise à l’abri de l’enfant et d’évaluation, d’une durée de cinq jours, sur la base d’un forfait journalier de 250 euros, soit 1.000 euros par enfant. Un dispositif qui ne s’applique pas Outre-mer.
Ce sont donc les associations nationales comme la Fondation Apprentis d’Auteuil ou la Croix rouge qui offrent des structures d’accueil pour mineurs isolés à Mayotte. En nombre très insuffisant.
En proposant la mise en place d’une Instance territoriale présidée par le préfet pour le financement de la prise en charge des mineurs isolés étrangers, le conseil départemental englobe toute la chaine d’acteurs : la mise à l’abri, l’évaluation et l’orientation, la prévention de l’isolement, le rapprochement familial et la recherche d’un représentant légal.
Entre 400.000 et un million d’euros
Un dispositif qui pourrait être financé par le biais d’une plateforme de coordination de ces acteurs, qui se révèle d’ailleurs être la première préconisation du rapport du défenseur des droits établi en 2013 sur la question de mineurs isolés étrangers à Mayotte.
Le financement pourrait être calqué sur la méthode métropolitaine en prenant appui sur les constatations de la Mission Mineurs Isolés Etrangers de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui estime donc à 1.000 euros le coût de chaque évaluation.
La dernière étude de l’INSEE, mais qui se base sur le recensement déjà ancien de 2012, fait état d’un nombre de mineurs isolés oscillant entre 380 et 913 à Mayotte, selon les degrés d’isolement. L’effort de l’Etat se chiffrerait donc entre 400.000 et un million d’euros.
Mayotte ne devrait pas accueillir plus de 60 mineur isolés
Un moindre coût si l’on considère qu’en appliquant réellement le dispositif national de mise à l’abri, de la circulaire du 31 mai 2013, l’ardoise pourrait être bien plus élevée. Il prévoit en effet l’orientation éventuelle vers un autre département. Selon une répartition des mineurs isolés en proportions des jeunes de moins de 19 ans dans le département donné. Et selon ces standards métro, Mayotte ne devrait pas accueillir plus de 60 mineurs isolés. Les autres devant être transférés dans les départements voisins.
Inenvisageable pour les enfants de notre territoire, qui disposent de repères culturels propres à l’archipel et d’une famille élargie dans la région. « L’éloignement sur un autre département contreviendrait au principe même de leur protection », souligne le conseil départemental, qui remarque d’autre part que l’éloignement géographique de l’île rendrait cette opération très onéreuse.
Le conseil départemental lance donc l’idée d’une solution médiane, une sorte de base de discussion avec l’Etat, qui serait l’évaluation d’un forfait équivalent à cette charge de transfert vers un autre département additionné des 1.000 euros par enfant du dispositif de mise à l’abri.
Une proposition qui a le mérite de souligner que le département prend la mesure de la charge qui lui incombe, et qu’il anticipe désormais sur les projets de loi.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte