La robe de Miss Mayotte défraye la chronique sur les réseaux sociaux. Viviane Bellais, la créatrice, répond aux critiques.
Impossible de témoigner de l’étendue des commentaires, parfois violents sur la toile, qui se sont lâchés pendant le week-end après la présentation à la presse de la robe que portera Miss Mayotte lors d’un des défilés de la soirée de l’élection de Miss France à Lille.
Ils se polarisent autour de deux thèmes, les valeurs religieuses qui sont liées aux kofias, base de la robe de Miss Mayotte, et son look.
Sur le premier motif, les internautes reprochent pêle-mêle, de «découper une coiffe traditionnelle portée par les hommes, pour en faire un vêtement de mode porté par une femme (…) une offense et un immense manque de respect aux Maorais, Mohéliens, Anjouanais, Grand-Comoriens», ou critiquent que «le cofia que nos pères frères et maris portent à des occasions pour but religieux et en faire une robe moulante». «Pour la tenue traditionnelle, c’est un simple Salouva et un kichali suivie de Bodi qui va avec l’ensemble du tenue»…
La «laine du pape» dans les mosquées
Viviane Bellais, la couturière mahoraise qui a été sélectionnée par le comité Miss France, aussi pour son expérience chez le grand couturier Christina Lacroix, s’est étonnée de l’envergure que prennent les événements, et s’explique : «Le kofia fait partie d’une de nos traditions, et la plus mature en terme d’artisanat. Toute la famille, de la grand-mère à la fille en passant par la cousine se retrouve pour y travailler. Or, nous devons faire face à l’importation de produits chinois et malgaches, de mauvaise qualité, faits à la machine, et qui coûtent moins cher. Notre meilleur arme de défense, c’est de le promouvoir, et qui de mieux qu’une Miss Mayotte pour cela?»
Sur l’aspect purement religieux, elle indique qu’elle n’a pas inséré de lettre arabe, justement pour éviter tout amalgame, et rester dans l’artisanat pur, «la façon de tisser le kofia est une des seules techniques haut-de-gamme que nous pouvons exporte. Au Niger, des robes sont aussi confectionnées avec du tissu de kofia ». Et n’oublions pas que la popeline utilisée à la fabrication des kofias portés dans les mosquées, vient de «laine du pape»… Les traditions sont là aussi pour nous ramener à la sagesse.
Quant à l’idéal traditionnel, il n’est pas forcément là où l’on pense: «le salouva ne représente pas Mayotte, c’est plutôt kényan. Nous avons seulement apporté les ourlets en haut et en bas!»
Hippocampe contre lion
Sur la deuxième critique, l’allure générale de la robe, certains internautes amateurs de belles tenues n’hésitent pas à trouver la couleur «fadasse et le patchwork de l’hippocampe à première vue pas digne du nom de haute-couture». Viviane Bellais, sans revenir sur la genèse du choix du comité Miss France de donner la parole aux créateurs locaux, rappelle qu’il s’agit du défilé en costume folklorique traditionnel de la soirée Miss France: «Tout le monde doit pouvoir reconnaître la robe du premier coup d’œil.»
Il s’agit donc, et de loin, du défilé le moins sexy et le moins classe de la soirée d’élection de Miss France et de ses dauphines. Il suffit de se souvenir du défilé 2014 et de Miss Poitou Charente nantie de son large lion rouge brodé, ou de Miss Pays-de-Savoie au lourd costume traditionnel, pour s’en convaincre. Enfin, comme le précise Viviane Bellais, «la robe n’est pas encore terminée.»
Et n’oublions pas que les polémiques enflent rapidement à Mayotte, aussi vite qu’un aéroport en bois si décrié, et aussi rapidement adopté, ses infiltrations d’eau en moins…
Il faudra donc juger sur pièce notre Miss Mayotte pour voir qui de l’hippocampe ou du lion poitevin l’emportera…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte