Alors que l’intersyndicale a suspendu le mouvement «tout au long de la semaine», la réévaluation de l’indexation continue de faire partie des revendications. L’Etat promet de se pencher sur le taux en 2017, après une étude de l’INSEE… qui pourrait ne jamais aboutir totalement. Explications.
Pour l’Etat, pas question de toucher aux 40% d’indexation pour les fonctionnaires mahorais, du moins pour le moment. Si l’intersyndicale voudrait voir ce taux réévalué à 53%, comme à La Réunion, le gouvernement repousse toute décision à 2017. Il met en avant deux arguments: la fin de la montée en puissance vers les 40% et la publication de la grande étude de l’INSEE sur les prix à Mayotte. Problème : cette étude pourrait ne pas livrer de conclusions générales car elle apparaît quasiment impossible à réaliser.
Elle est censée comparer les prix de près de 7.000 produits pratiqués à Mayotte et en métropole selon la méthode déjà employée en 2010 dans les 4 DOM historiques*.
Il s’agit en réalité d’une double étude de comparaison des prix. La première approche mesure «la variation du budget de consommation d’un ménage métropolitain» qui vivrait à Mayotte tout en conservant ses habitudes de consommation métropolitaines.
La seconde, en symétrie, cherche à mesurer de combien varierait le coût du panier de consommation d’un ménage mahorais s’il achetait ses produits aux prix pratiqués en France métropolitaine.
Une méthodologie internationale de calcul des parités de pouvoir d’achat permet de gommer les différences de modes de vie entre la métropole et l’outre-mer, la comparaison portant alors sur de purs écarts de prix… entre produits comparables. Mais pour comparer, encore faut-il qu’il y ait les produits.
Alimentation: les produits absents
Prenons l’alimentation qui représente 27% du budget des ménages mahorais (contre 15% dans l’hexagone, 12% à La Réunion et 21% en Guyane). Il semblerait qu’il s’agisse d’un des postes les plus faciles à comparer. En 2011, en pleine crise de la vie chère, ceux qui s’étaient lancés dans l’exercice n’avaient que très partiellement réussi. Mais 4 ans plus tard, le nombre de références dans les supermarchés a fortement augmenté. «Bien sûr on trouve beaucoup plus de produits qu’il y a quelques années. Mais on n’attend pas une comparaison des prix des produits Casino ou Carrefour, des biscuits Lu, des pâtes Barilla ou des bonbons Haribo», relève un fin connaisseur des études de prix.
Le nombre de références à Mayotte reste en effet bien faible. Dans les laitages frais par exemple, nous ne trouvons quasiment que les marques Oula (locale) et Malo (importée). Quant aux produits Yoplait, ce ne sont pas les mêmes malgré leur homonymie. A quoi les comparer alors que les rayons frais métropolitains contiennent des centaines de produits différents?
Concernant le panier local, même problème : quel prix retenir pour le riz en métropole alors qu’on n’y consomme absolument pas des sacs de 20kg importés de Thaïlande comme à Mayotte?
Impossibles comparatifs
La comparaison est délicate dans l’alimentaire mais elle vire à l’impossible dans d’autres secteurs. En matière d’habillement par exemple, on ne trouve à Mayotte pratiquement aucune marque de consommation de masse qui existe en métropole. Comparaison difficile aussi pour l’automobile : le nombre de marques de véhicules, de pneus ou de pièces auto est très réduit par rapport à l’offre métropolitaine.
En matière de culture, le prix du cinéma (quand il fonctionne), d’une entrée au théâtre, les prix des «services sportifs ou récréatifs» ne sont en rien comparables… Sans parler des restaurants. Compte tenu de leur nombre à Mayotte, la comparaison statistique semble inopérante.
Alcool, ameublement, électroménager, entretien de la maison, services médicaux ou éducatifs, hôtels… à chaque fois, les éléments de comparaison sont faibles ou absents… Les 7.000 produits qui font la force de l’étude dans les 4 autres DOM ne peuvent que se réduire comme peau de chagrin à Mayotte.
On pourrait donc s’acheminer vers des conclusions par secteur, lorsque c’est statistiquement possible. Quant à la comparaison globale, elle semble inenvisageable : nous ne connaîtrons vraisemblablement jamais la différence de prix qui existe entre Mayotte et l’Hexagone.
Une vie moins chère faute de pouvoir consommer?
Sur le terrain, selon nos informations, la quasi-totalité des relevés de prix est effectuée. L’INSEE devrait entamer la longue phase de rentrée des données, de compilations, de comparaisons et d’analyses… pour un résultat publié fin 2016 ou début 2017.
Au final, il pourrait donc s’avérer que la notion de «vie chère» à Mayotte n’est pas si évidente. Bien sûr, le coût des produits présents est élevé, mais on en trouve tellement moins qu’en métropole, que finalement, on consomme beaucoup moins à Mayotte que dans l’Hexagone… Une vie moins chère faute de pouvoir acheter. Pas facile comme conclusion pour parler de taux d’indexation.
RR
Le Journal de Mayotte
*Pour mémoire, en 2010, l’INSEE estimait que «les prix sont plus élevés dans les départements d’outre-mer qu’en France métropolitaine, de + 13 % en Guyane à + 6 % à La Réunion. Les écarts de prix sont plus marqués lorsqu’on retient comme référence le panier de consommation des ménages métropolitains. En revanche, un ménage ultra-marin qui paierait ses consommations aux prix pratiqués en France métropolitaine ne ferait qu’une économie limitée.»