Mayotte a accueilli une conférence internationale du programme Dialogue entre agriculteurs pendant le Salon de l’Agriculture. Il s’agit de structurer la filière en nouant des liens entre des professionnels. Avec une première réussite annoncée à Acoua.
C’est un concept novateur que diffuse la DAESA, chargée de mettre au service des agriculteurs les experts pour répondre à leurs besoins : le Dialogue Entre Agriculteur est plus qu’un simple d’échange d’expériences entre agriculteur du monde entier. « Après la guerre de 39-45 et en réponse à ses séquelles comme les femmes tondues, il fallait faire du ‘réarmement moral’. C’est ainsi que les agriculteurs ont pris leur part avec ce Dialogue entre agriculteurs », explique Didier Genatio, Directeur qualité à la DAESA.
Son travail est de donner les moyens aux agriculteurs de reprendre confiance en eux, dans leurs projets, en les accompagnant, non financièrement, mais en matériel et moyens humains.
Les premiers à dégainer furent les agriculteurs du Groupement de Vulgarisation Agricole (GVA) d’Acoua. Créé dans les années 2000, puis mis en sommeil à la suite de pratiques douteuses, il a été relancé par Salami Boraka qui le préside, et Youssouf Doua, qui en est le secrétaire.
Quinze nationalités à Mayotte
Avec les 50 professionnels qu’il réunit, il est l’exemple de ce que peut apporter le DEA pour structurer les filières : « il a permis la mise en place du marché agricole d’Acoua, tous les deuxièmes dimanche du mois, où ils présentent et échangent entre agriculteurs et avec les visiteurs autour de leurs produits », explique Didier Genatio, qui précise que « personne n’est affalé derrière son stand », une image facile à comprendre à Mayotte et qui souligne la qualité de la démarche.
A Mayotte, deux agriculteurs éleveur et vivrier, ont intégré le concept. « Le premier avait comme objectif la surveillance de ses machines fabriquées par ses propres moyens et le second, l’approvisionnement de sa famille avec la culture de son propre champ. »
Le partage d’expérience se fait lors de conférence internationale, « au Congo en 2013, et cette année à Mayotte où nous accueillons une quinzaine de nationalité, de kényans, des anglais, des comoriens etc. » Et le concept prend si l’on en croit les groupes de réflexion assemblés ce samedi autour du thème de la distribution et la transformation sur les petits marchés de production.
Des fonctionnaires-agriculteurs
Cette conférence à Mayotte est à la fois une introduction et une conclusion, à entendre les deux représentants du GVA d’Acoua et la DASEA : « si nous pouvons nous féliciter de l’introduction du Dialogue entre agriculteurs à Mayotte, il faut maintenant faire rayonner le concept vers les îles voisines des Comores ou La Réunion. » Cette dernière, bien que plus développée que Mayotte, aurait des éléments à glaner pour une agriculture plus « morale ».
En tissant une toile d’échanges, le DEA apporte une solution à la création des coopératives, toujours ardue à Mayotte, principalement en raison du manque de confiance entre professionnels. Un impact possible sur la structuration du marché : « la plupart des agriculteurs sont pluriactifs à Mayotte. Ils sont fonctionnaires tout en ayant un lopin de terre que cultivent souvent les femmes, parce qu’il n’y a pas d’infrastructures comme les pistes d’accès aux propriétés, les ateliers de transformations, le cadastre », explique Youssouf Doua.
Qui annonce une première grande avancée : « dans le cadre des Tobés initiés par Boinali Saïd, un Centre de regroupement et de conditionnement des produits agricoles est installé à Acoua, avec un marché de proximité couvert et une chambre froide, pour accueillir les productions de tous les agriculteurs. » Un financement du conseil départemental et de l’Etat.
Les conférences se sont poursuivies au fil des jours et des soirées à Acoua, avec une conclusion ce lundi matin sur la programmation des actions à venir du programme DEA.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte