La justice frappe lourdement un réseau d’importation de bangué malgache

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CARNET DE JUSTICE DU JDM. C’est une histoire d’importateurs, de revendeurs et de consommateurs où se mêlent stupéfiants et migrants en provenance de Madagascar qui était jugée ce mercredi au tribunal correctionnel. Une audience débutée à midi, qui se termine à 18 heures… Une affaire d’une ampleur rare dans notre département avec 12 prévenus.

Dossier empilés TGIElle commence d’une façon bien surprenante lorsque la maire de Chirongui fait un signalement à la gendarmerie. Elle soupçonne un de ses administrés de vendre du bangué, en donnant rendez-vous à ses clients chez lui. Le défilé gène les voisins. Cet homme, c’est «Tonton», une figure du village. Grosses lunettes de soleil de couleur vive, chemises à carreaux ou costume à rayures, c’est un bacoco flamboyant. Agé de 70 ans, il admet qu’il fume du cannabis depuis plus de 46 ans!… Avec les conséquences qui vont avec. Son discours et sa capacité à répondre précisément aux questions du président Benjamin Banizette ne sont pas toujours des plus optimales.

Tonton n’a pas beaucoup de moyens. Alors pour financer sa consommation de bangué, il fait un peu de revente, de quoi lui rapporter 200 euros par mois. Les gendarmes se penchent sur son petit réseau en le plaçant sur écoute et d’un interlocuteur à l’autre, c’est une affaire bien plus vaste qui se dessine, un réseau qui ne le concerne plus du tout mais qui relève d’une organisation bien huilée entre Madagascar et Mayotte.

Près de 300kg de bangué

Au sommet de la pyramide, on trouve un certain «Blaise». Ce Malgache a mis en place une organisation pour exporter depuis Mada des centaines de kilos de bangué à Mayotte tout en couvrant les frais de carburants avec les tickets des candidats à l’immigration clandestine… Plus cynique, c’est difficile, d’autant que parfois, ces «kwassas» malgaches n’ont pour seuls passagers que des jeunes femmes manifestement destinées à alimenter les réseaux de prostitution à Mayotte. Le prix de la traversée entre la Grande Île et notre département est généralement fixé entre 700 et 800 euros.

Porte de la salle d'audience du TGI de MamoudzouDans cette organisation, on trouve les importateurs. Deux bateaux de plaisances vont être interceptés grâce aux écoutes téléphoniques qui, depuis le téléphone de Tonton, concernent de plus en plus d’individus. Le premier bateau est stoppé par la gendarmerie le 14 octobre 2013. A bord, 156,3kg de bangué répartis en 4 ballots mais aussi 18 passagers. Les migrants sont expulsés et quatre individus arrêtés. L’enquête prouvera qu’ils étaient pilotes, propriétaires d’une partie de la cargaison, chargés de surveiller le bangué ou recruteurs de migrants. Contre eux, la procureure Bouley réclame entre 2 et 4 ans de prison ferme.

Un 2e bateau de plaisance est intercepté le 24 juillet 2014 avec cette fois, 118,5kg de bangué et 13 passagers. Deux hommes sont arrêtés avec des rôles et des profils identiques. La procureure requiert 3 et 4 ans de prison.

Deux réseaux de revente

Le réseau est ensuite structuré autour des filières d’écoulement, avec deux branches. Celle d’un certain Moutar Ali, un individu qui ne sera jamais identifié. Et celle d’Aly Bacar, qui comparaît à la barre. Les écoutes établissent qu’il est en lien direct avec Blaise. Il était chargé de la réception du bangué et des clandestins sur la plage de Dapani. Il revendait également une partie des stup’. «A minima, une tête de réseau», explique la procureure qui va demander la plus lourde peine de l’affaire contre lui : 6 ans.

Un autre revendeur potentiel était dans le viseur, sans que son rôle soit parfaitement établi. Kumar Daljeet a toujours nié être au cœur de la vente de ce bangué, il est pourtant désigné par d’autres et la procureur réclame 4 ans de prison contre lui. Il aurait écoulé jusqu’à 5kg de cannabis par semaine. «Si ce n’est pas vous, il va falloir m’expliquer où est passé l’argent. A 25€ le kilo de bangué à Madagascar pour un prix de revente à 1.500€ à Mayotte, il va falloir m’expliquer qui s’est fait beaucoup d’argent et lequel de vous ment», relevait le juge Banizette.

Panneau salle d'audience TGI MamoudzouParmi les revendeurs, à noter également la présence d’un homme du BSMA qui écoulait auprès de ses collègues militaires.

Des réquisitions suivies

Les avocats vont se succéder pour défendre leurs clients: Mes Andjilani, Journiac, Idriss, Olivier vont dénoncer des réquisitions «extrêmement sévères», selon les mots de Me Andjilani, mais qui vont être suivies pour l’essentiel.

Lorsque le verdict tombe, les familles venues assister à l’audience s’effondrent: 3 ans de prison contre les importateurs malgaches, et du côté des vendeurs, 2 ans pour le militaire du BSMA, 4 ans pour Kumar Daljeet et 6 ans pour Aly Bacar avec mandats de dépôt. Arrivé libre, Kumar Daljeet est reparti dans un véhicule de gendarmerie pour plusieurs années à Majicavo. Un autre petit revendeur a écopé d’un an avec sursis.

Enfin, pour Tonton, le bacoco de Chirongui, ce sera une simple contrainte pénale alors que la procureure avait demandé deux ans de prison dont un an ferme. Il sera convoqué par un juge pour se voir notifier certaines obligations, et probablement celle d’entamer une démarche en addictologie.
RR
Le Journal de Mayotte

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