Le tribunal de Mayotte a abordé la tentative de faire disparaître le corps de Roukia Soundi en janvier 2011. Il a également été question de la drogue qui aurait causé la mort de la jeune femme. Voici la première demi-journée du procès tant attendu.
L’affaire Roukia Soundi, c’est un dossier de 13 tomes que le tribunal de Mamoudzou a commencé à instruire ce lundi après-midi. Malgré l’absence de Mathias Belmer contre lequel un mandat d’amener a été décerné, le président Sabatier a choisi d’aborder l’affaire par le volet le plus difficile émotionnellement: le projet de Belmer de faire disparaître le corps de sa petite amie Roukia Soundi après son décès.
Première à être appelée à la barre, Frédérique Blondel, poursuivie pour recel de cadavre. Elle est encore profondément marquée par cette affaire qui lui est tombée dessus, comme un éclair qui l’aurait foudroyée.
Au moment des faits, en janvier 2011, Frédérique Blondel était la patronne de Belmer dans un de ses salons de coiffures. La petite femme est frêle, fragile, visiblement écrasée par l’affaire. Effarée par la meute des caméras et des appareils photos, elle s’assoit à chaque suspension d’audience à même le sol, cachée sous un châle, contre les bancs des prévenus. Une grotte pour se protéger de l’insupportable.
Faire disparaître le corps
Elle a revécu, sous le feu des questions du président, du procureur et des avocats, ces terribles moments pendant lesquels elle va aider Belmer. «J’ai honte de ce que j’ai fait. De m’être laissée manipuler, ne pas avoir eu la force de dire non», répète-t-elle plusieurs fois à la barre, présentant ses excuses et parlant de sa compassion pour la famille.
Mathias Belmer est venu la voir au salon de coiffure le jeudi matin alors qu’il était en congé. Il lui explique qu’il a commis «une bourde». Il était avec Roukia la veille au soir. Ensemble, ils ont consommé «de la merde». Le matin, Roukia ne s’est pas réveillée. Frédérique Blondel lui dit d’appeler les pompiers et lui donne un annuaire pour trouver le numéro d’un médecin. Elle lui prête finalement sa voiture pour qu’il emmène Roukia à l’hôpital. Mais il ne fera rien. D’évidence, pourtant, la jeune femme est morte. «Je n’ai rien fait non plus», reconnaît la coiffeuse. «J’avais peur. Je ne voulais pas être mêlée à cette affaire».
Elle décrit Belmer comme stressé et paniqué. «Il cherchait des solutions», dit-elle. En clair, il avait déjà décidé de faire disparaître le corps. Chez lui, Frédérique Blondel refuse d’entrer pour ne pas voir le corps mais elle entend distinctement Belmer «emballer» la dépouille avec du papier-bulles. Il veut emmener le corps mais elle craque. Ce n’est que le lendemain soir qu’il parviendra à mettre son plan exécution.
Courage et faiblesse
Entre-temps, il a repéré un endroit, dans le nord de Grande Terre, pour enterrer Roukia. Il a acheté des pelles mais celui qui devait l’aider lui a fait faux bond. «Je ne voulais pas l’aider», martèle la coiffeuse. Sous l’effet de l’alcool, du zamal et des paroles de Belmer qui sait trouver les mots pour obtenir ce qu’il veut, elle va finalement participer au transport du corps dans sa voiture.
Avec lui, elle prend la route mais s’arrêtera bien avant la destination prévue, à Trévani, où Belmer descend seul le corps qui sera retrouvé maladroitement dissimulé sur une plage en contrebas.
«Vous n’avez pas le courage d’appeler les pompiers mais vous avez le courage d’aider Mathias Belmer à transporter le corps… Vous vous moquez de nous», s’emporte Me Idriss, un des avocats de la partie civile.
Sur le chemin du retour, il jette alors les chaussures, les vêtements et le téléphone de Roukia par la fenêtre de la voiture, un à un. A côté, «j’étais tremblante, comme une zombie», explique Frédérique Blondel, honteuse une nouvelle fois de sa «faiblesse».
Depuis ces événements, elle affirme avoir totalement arrêté toute consommation de cannabis et d’alcool.
Une cocaïne pas très blanche
Vincent Hoarau, poursuivi pour détention et transport non autorisé de stupéfiant, a lui aussi arrêté de fumer du bangué. Il connaissait Mathias Belmer qui était à l’époque son fournisseur de cannabis… mais un dealer peu fiable. Mathias Belmer lui devait 1.000 euros au moment des faits. Le 11 janvier, la veille du drame, Belmer l’appelle. Il a «une surprise» pour lui. Vincent Hoarau pense à du cannabis. Ce sera en réalité deux rails de cocaïne. «Je lui ai dit ‘c’est de la merde’», indique le client qui avait eu l’occasion d’en tester brièvement quelques années auparavant à La Réunion. La poudre était «grise, marron ou un peu beige foncé»… quoi qu’il en soit, une «cocaïne» qui était tout sauf blanche.
De cette drogue, cocaïne ou héroïne, il en sera beaucoup question ce mardi. Le tribunal va aborder le volet «GIR» du dossier, du nom du Groupe d’intervention régional par les bureaux duquel cette drogue aurait transité.
Avant de suspendre l’audience, le président Sabatier a fait passer la planche de photos-souvenirs de Roukia Soundi avant le drame, pour que la victime ne soit pas un simple nom, mais reste dans l’esprit de chacun une belle jeune femme de 19 ans.
RR
Le Journal de Mayotte