La communauté éducative du collège de Chiconi est exaspérée des violences devenues quasiment quotidiennes à l’extérieur mais aussi dans l’établissement. Lassée d’avoir le sentiment de ne pas être entendue, elle exerce son droit de retrait ce vendredi.
Cette fois-ci, c’est trop. Au collège de Chiconi, les enseignants ont à plusieurs reprises différé l’exercice de leur droit de retrait. A chaque événement plus marquant, ils espéraient que des solutions soient trouvées, ils se disaient qu’ils seraient entendus et des solutions trouvées. Mais hier, les scènes de violence ont atteint un tel niveau que les enseignants ont décidé de dire stop. «Ca suffit, on ne peut pas repousser à chaque fois», s’exclame un professeur. Avec une cinquantaine de ses collègues réunis avant le début des cours, il a voté pour l’exercice de ce fameux droit de retrait.
Hier jeudi, «des jeunes sont venus armés de chombos, de bâtons et même de clubs de golf pour agresser nos élèves. Il y a 1.700 élèves dans le collège. Entre les bagarres et les mouvement de foule, il y a danger», témoigne une enseignante. De fait, les professeurs ne craignent pas tant pour leur propre sécurité. C’est essentiellement de celle de leurs élèves et des surveillants dont il est question.
Dégradation accélérée du climat
«Avant les violences avaient essentiellement lieu avant chaque vacances. Ils venaient se ‘mettre sur la gueule’ le vendredi avant les vacances. On le savait. Mais depuis la rentrée, ces rendez-vous se sont reproduits tous les vendredis, puis les jeudis aussi… Et maintenant, ça devient quasiment quotidien. Un surveillant a été «gazé» avec une bombe lacrymogène il y a quelques semaines alors que des jeunes essayent d’entrer». Car ces violences ne se cantonnent pas qu’à l’extérieur du collège.
«A l’intérieur aussi c’est infernal. Ma salle est à côté de la grande cour… C’est le Far West ! Chaque semaine, on a maintenant des bastons générales.»
«C’est l’escalade, les élèves commencent à avoir peur. Le collège est censé être une enceinte protégée et on n’y est plus du tout. C’est même étonnant qu’il n’y ait pas des gamins blessés gravement compte tenu des armes qu’ils ont».
Des bandes de villages différents
Ces jeunes qui viennent en découdre, ce sont certains collégiens, mais surtout d’anciens élèves et d’autres jeunes encore de Sohoa, Kahani, Ouangani, Barakani… qui nouent des alliances au gré des règlements de compte qu’ils souhaitent mettre en œuvre. «Il y a quelques semaines, ils sont venus se battre parce que des jeunes de Ouangani étaient allés à la plage de Sohoa… On en est là !» constate avec une certaine consternation un enseignant.
Le 19 mars dernier, le personnel du collège avait déjà signé une pétition pour sensibiliser le vice-rectorat, la gendarmerie et la municipalité à la situation. Le 2 novembre dernier, une délégation du personnel s’est réunie avec le principal pour, à nouveau, pointer du doigt l’absence de réactions à la hauteur de la crise. Certes, une nouvelle clôture a été réalisée mais mais aucun APS, agent de prévention et de sécurité, n’a été affecté au collège.
« On va se faire taper dessus »
La seule perspective d’apaisement semble reposer sur l’ouverture du collège d’Ouangani à la rentrée de septembre qui devrait délester de 400 élèves le collège de Chiconi et ses 1.700 élèves.
Ce matin, une enseignante a croisé une collégienne en se rendant dans l’établissement. La jeune fille a demandé : «Madame, on a école aujourd’hui ?… Parce qu’on va encore se faire taper dessus!»
Vers 10h ce vendredi matin, l’essentiel des élèves a été récupéré par les parents. Le directeur académique doit rencontrer la communauté éducative vers 11 heures.
RR
Le Journal de Mayotte