Les juges sont allés bien au delà de ce qu’avait requis le procureur : une peine qui se veut exemplaire pour stopper la violence dans les stades. Parce que l’homme en noir doit être respecté, pour son « rôle de régulateur ».
C’est un match de foot qui avait mal tourné-un de plus !- le 29 août 2015. A la 11ème minute, sur le terrain proche du lycée de Mamoudzou, l’arbitre adjoint est insulté par un spectateur. Il s’agit d’un match entre TCO de Mamoudzou et le FC Sohoa. A la fin de la rencontre, et après avoir rempli la feuille de match, c’est l’arbitre lui-même qui répond aux insultes « qui ont été proférées pendant prés d’un quart d’heure vers la fin du match », se plaint-il.
Mais pas seulement, ledit spectateur reproche à l’arbitre d’avoir sorti de son sac une pierre et de l’avoir menacé. En réaction, il dégaine un chombo, menaçant l’homme en noir d’un « je vais te tuer », en shimaoré. L’arbitre qui s’enfuit, tente de regagner sa voiture, chute et se blesse.
Les deux hommes se retrouvent à la barre ce mercredi, leurs versions divergent. L’arbitre nie avoir sorti une pierre, son adjoint l’appuie. De son côté, le prévenu reconnaît les insultes aux arbitres, « mais ils m’ont insulté en retour », et maintient le jet de pierre.
Un chombo au match de foot
Il explique être, à la fois inscrit au Pôle emploi, « mais aussi jardinier au conseil départemental ». Les six heures d’audience sur les emplois présumés fictifs du département incitaient le juge à s’enquérir : « vous y êtes vraiment ? », provoquant des sourires dans la salle d’audience.
Le président de l’audience, Guillaume Bourin questionne l’arbitre sur la réalité des faits : « Il m’a menacé, il a sorti la machette qu’il tenait à l’intérieur de son vêtement dans son dos, avant que je parvienne à m’enfuir. » La machette, ce spectateur l’avait parce qu’il arrivait d’un voulé, explique-t-il. Une machette qu’un proche de l’arbitre parvient lui à lui subtiliser.
C’est donc parole contre parole, mais celle d’un arbitre a davantage de poids, comme ne se privera pas de faire remarquer le procureur Joël Garrigue qui rappelait que l’homme en noir a un rôle de régulateur dans un match : « ses décisions peuvent plaire ou ne pas plaire, mais on leur doit le respect. » Il regrette malgré tout que l’arbitre ait répondu par des insultes.
Des arbitres victimes de menaces tous les week-end
Si l’affaire est porté dans cette juridiction, c’est bien par l’attitude de défiance vis à vis de l’arbitre, et agressive avec la menace d’un chombo, et la recherche d’une confrontation. C’est ce qui sera retenu, « surtout que c’est trop habituel à Mayotte mais pas seulement, pour des supporters qui voient le sport comme un rapport de force avec des comportements inadmissibles. Tous les week-end, nous avons des plaintes pour des actions contre les arbitres sur les stades. » On apprend alors que le spectateur véhément est un ancien capitaine de l’équipe TCO.
Le procureur demande une peine de 3 mois avec sursis, ainsi qu’une amende de 200 euros. En cas de récidive, il effectuera donc sa peine de prison, « mais vous serez également interdit d’assister à des matchs », conclut le procureur.
L’arbitre, lui, ne demande pas de dommage et intérêt, mais conseille à l’auteur des insultes de faire un stage dans l’arbitrage.
La collégialité de juges condamnera finalement l’auteur de l’agression à 2 mois de prison ferme et 300 euros d’amende, mais sans requérir de mandat de dépôt.
Pour replacer le jeu sur le terrain sportif et non plus judiciaire.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte