Ils étaient 29 douaniers et commerçants condamnés en première instance. Après des années de procédures, deux d’entre eux bénéficieront d’un nouveau procès en appel à La Réunion. Ainsi en a décidé la cour de cassation. Retour sur l’affaire et son parcours judiciaire.
Au fur et à mesure que l’affaire avance dans un processus judiciaire d’appel, les prévenus sont de moins en moins nombreux. Ils étaient 29 douaniers et commerçants condamnés en première instance pour des faits de corruption et d’importations illicites en mai 2013. Dix d’entre eux avaient fait appel de la décision, obtenant pour l’essentiel, des peines réduites en mai 2014. Mais pour certains, ces condamnations étaient encore trop lourdes. Ils étaient donc six à s’être pourvus devant la cour de cassation qui vient de rendre son arrêt dans ce dossier.
Pour quatre d’entre eux, le jugement est confirmé. Le premier homme est donc condamné pour «corruption passive et trafic d’influence» à six mois d’emprisonnement avec sursis, 5.000 euros d’amende, et trois ans d’interdiction d’exercer une fonction publique.
Un 2e est condamné pour faux et usage, corruption passive, trafic d’influence, importation sans déclaration de marchandises prohibées et complicité, à trois ans d’emprisonnement avec sursis, 30.000 euros d’amende, et l’interdiction définitive d’exercer une fonction publique.
Un 3e poursuivi pour «importation sans déclaration de marchandises prohibées» écope de deux mois de prison avec sursis, et d’une amende douanière. Enfin, un 4e condamné pour «complicité d’importation sans déclaration de marchandises prohibées, corruption passive et trafic d’influence» voit sa peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis, 10.000 euros d’amende, et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique, confirmée.
C’est un coup dur pour eux qui espéraient voir levé les interdictions de travailler dans la fonction publique car ils sont agents du conseil départemental.
Deux prévenus seront rejugés
La cour de cassation a, en revanche, porté un tout autre regard sur deux autres protagonistes de cette affaire : elle casse le jugement et demande à la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion de rejuger leur cas. Le premier de ces deux individus avait été condamné pour «complicité d’importation sans déclaration de marchandises prohibées, corruption passive et trafic d’influence» à trois ans d’emprisonnement dont 18 mois ferme, 30.000 euros d’amende, et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique. Le second avait écopé, pour «corruption passive et trafic d’influence», de trois ans d’emprisonnement dont 18 mois ferme, 30.000 euros d’amende et l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique.
Ces deux hommes qui risquent donc une peine d’incarcération, vont donc bénéficier d’un nouveau procès… Plus de 8 ans après les faits. Ce n’en est donc pas encore tout à fait fini d’une affaire qui avait fait éclater au grand jour les pratiques de «Mayotte l’Africaine», à une époque où certains pensaient facilement passer entre les mailles de la justice… Et pour certains, du travail de leur collègues enquêteurs.
Encore une fois, des lampistes
L’affaire avait éclaté en octobre 2007 avec la découverte de 7,5 tonnes de tabac séché dans un container de matelas à Longoni. Elle avait permis la mise à jour d’un trafic entre douaniers et commerçants. C’était en réalité un douanier «zélé» qui avait ciblé un container bien précis d’un transitaire qui ne voulait plus jouer le jeu, en tout cas, pas aux conditions imposées, comme l’avaient révélés les débats en appel.
Son dépôt de plainte avait fait tomber ce qui ressemblait à un château de cartes avec un système de corruptions diverses. On y trouvait «des diminutions de déclarations en douane pour minorer les taxes», «des falsifications de registres du commerce», «des sommes de 300 à 400 euros remises pour éviter les contrôles»…
Si les condamnations étaient tombées et certaines sont donc confirmées pour des corrompus (des douaniers) et des corrupteurs (des commerçants), les avocats n’avaient jamais manqué une occasion pour souligner que du côté des douanes, seuls «des lampistes», selon les mots de Me Fatima Ousseni, étaient poursuivis. «Ni les services adjacents, ni leurs supérieurs sont présents, et du côté des commerçants, on ne voit ni Indiens ni Mzungus!», avait-elle soulevé, soutenues par certains de ses confrères. Du côté de la justice aussi, le temps de «Mayotte l’Africaine» nous renvoie encore, des années après, des doutes sur la réalité de l’égalité de traitement dont bénéficiaient l’ensemble des justiciables.
RR
Le Journal de Mayotte