Que l’on parle de récupération politique du côté des syndicats, d’union sacrée chez le Medef ou de démarche politique commune pour l’association des maires ou le conseil départemental, la réunion du jour a eu pour premier mérite d’exister. Une vaste opération de thérapie de groupe.
Si le président du département Soibahadine Ibrahim Ramadani a voulu inviter les représentants des confédérations syndicales, les parlementaires, les élus du département et des communes, c’est pour « s’enquérir des revendications légitimes de l’intersyndicale et construire ensemble une démarche politique commune », ainsi qu’il l’indique dans son courrier.
Selon lui, « les intérêts supérieurs de Mayotte et des mahorais recommandent l’unité et le rassemblement des élus et des forces vives autour d’un projet partagé ». Une phrase qui intrigue les syndicats qui militent depuis plusieurs mois, entre autre pour l’application du code du travail, et qui trouvent là un soutien de poids, mais inattendu, « c’est une récupération politique », glisse un des délégués avant la grande réunion d’unité.
Demande d’un octroi de mer régional
Une alliance de circonstance dont ne se cache pas le président Soibahadine Ramadani : « c’est une réunion informelle pour effectuer un tour d’horizon des questions qui intéressent les mahorais. Une opportunité qu’il faut saisir pour produire une motion commune sur nos inquiétudes concernant la dernière session budgétaire. »
L’appui au mouvement syndical sera peut être l’union qui fera leur force au moment où le président du conseil départemental annonce se rendre à Bercy lundi prochain et au ministère des Outre-mer mercredi, toujours pour une réponse sur la compensation de recettes financières, « nous demanderons un octroi de mer régional en plus des 24 millions d’euros du départemental. »
On sentait les syndicats quelque peu sur leur faim, « ça ne mange pas de pain, cette motion, c’est même un minimum syndical», Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental FSU SNUipp regrettait qu’il n’y ait pas plus d’engagements.
Des élus au pilori
Mais les syndicalistes ne souhaitaient pas brader leur mouvement, Balahachi Ousseni, CFDT, prenait un ton véhément pour accuser les élus : « Vous pouvez être fiers ! Vous êtes responsables de cet état d’inégalité de notre société mahoraise. Changez votre comportement ! », et d’égrener les problèmes, de la jeunesse « sacrifiée », de l’accès aux soins liés à l’immigration, de l’Institut de formation des infirmiers « où seuls les mzungus sont formés » : « Vous nous dites que vous voulez prendre des décisions par rapport à nos revendications légitimes, mais ce n’est pas la première fois que nous lançons un cri d’alarme ! ».
Un silence gêné suivait ce réquisitoire, tandis que plusieurs élus se disaient par la suite choqués de cette mise en cause. Une réunion qui a le mérite de faire prendre conscience en tout cas du niveau des attentes de part et d’autres et de leur formulation : « Il n’y qu’à travers ce genre d’échanges que l’on peut trouver des réponses », glissait le sénateur Thani Mohamed Soilihi.
Un des thèmes abordés concernait l’indexation, que les collectivités annonçaient ne plus pouvoir supporter si elle atteignait les 53%.
« Les Antillais chassent en meute »
C’est la première fois qu’une telle « thérapie de groupe » est initiée à Mayotte, et il vaut mieux c’est connu laver son linge sale en famille pour parler d’une seule voix ensuite : « les Antillais chassent en meute pour obtenir des avancées pour leur territoire. C’est tout ce que je nous souhaite », invoquait Thani Mohamed Soilihi.
La motion était rédigée à l’issue, avec les revendications de l’Intersyndicale que l’on connaît : Adaptation du code du travail, Indexation, Intégration, Reprise de l’ancienneté générale des services, prestations familiales et attractivité.
Le Medef, représenté par son directeur Thierry Galarme, souhaitait y rappeler que l’Etat dépense deux fois moins pour un mahorais que pour un autre habitant, « un impact direct sur la commande publique et donc le carnet de commandes des entreprises », et se félicitait de cette unité rencontrée aujourd’hui.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte