La phrase de la présidente du Comité départementale du tourisme résume les oppositions qui sont maintenant marquées au sein de l’assemblée départementale. Elle s’adressait à l’ancien président Zaïdani. Il était question de revisiter les taux d’octroi de mer et sa répartition aux communes. Le département devrait recevoir un coup de pouce du gouvernement avec un effacement de 18 millions d’euros de dettes.
La séance portait sur les finances, dont le Plan de redressement mis en œuvre par le conseil départemental pour tenter de résorber les 61 millions d’euros de déficit, auquel nous avions consacré un article.
Marquant son désaccord avec la réorganisation de l’administration en cours, Daniel Zaïdani a reproché avec vigueur à la nouvelle équipe une « chasse aux sorcières » : « je souhaite que les agents licenciés ne soient pas uniquement MDM. » Il marquera plus tard son désaccord sur le chapitre de l’octroi de mer, provoquant la réaction de la conseillère départementale.
Les deux clans, qui ne se voulaient au départ ni majorité, ni opposition, ont fini par trouver un vrai terrain de désaccord, qui prend naissance à écouter Chihaboudine Ben Youssouf, dans le fait qu’ils ne seraient pas associés au débats et aux prises de décision. On assiste alors à deux écoles à propos de l’Octroi de mer.
« Remise à plat de l’octroi de mer en 2016 »
Cette taxation à l’importation des produits, et à la production locale, a permis de collecter 81,3 millions d’euros en 2014, dont 69% ont été versés aux communes, et 31% au Département. Comme le faisait remarquer Aynoudine Salime, « le conseil départemental se rend impopulaire en fixant des taux pour des recettes qui ne lui sont pratiquement pas destinées. »
En conséquence, les élus proposent de rétablir une assiette plus favorable, 45% pour le Département, et 55% aux communes. Mais ça, c’était avant « l’amendement Ibrahim », comme l’appellent les élus, pour dénoncer le plafonnement de leurs ressources à 24 millions d’euros par le député mahorais.
Ils ne désespèrent pas que cet amendement soit retoqué par le premier ministre, alors que le ministre du budget serait « sceptique quant aux conséquences de l’amendement et demande une remise à plat globale pour 2016 », selon Louis-Alexis Chenat, directeur du cabinet Chenat conseil qui aide le département à harmoniser les taux de l’octroi de mer.
Tabac et batteries à 60%
Ainsi de 24 taux, la liste s’est réduite à 9, avec des diminutions voire des exonérations : les livres et journaux sont passés à 0%, les carburants à 2,5%, les viandes, fruits et légumes et électroménager à 5%, les véhicules de transport et produits médicaux, et tout l’équipement photovoltaïque à 10%, les cafés, thé, savons et matériaux non transformés à 20%, les parfums, jus, eau en bouteille et téléphone portable à 30%. Les super taxes concerneront le tabac et les batteries, 60%, les cartouches et armes à feu, 90% et l’alcool, 100%.
Des évolutions de taux qui répondent à trois objectifs. Favoriser l’émergence économique d’un secteur privé fort, tout d’abord, « les entreprises du BTP dont le matériel sera davantage taxé, pourront se rattraper sur l’accès aux marchés publics », affirme Louis-Alexis Chenat, en incitant au formel, « pour importer un produit exonéré, l’entreprise devra justifier de son immatriculation. » Exit les petits foundi non déclarés, et l’habitat illégal touché par l’augmentation de la taxe sur l’importation des tôles.
Vérification de l’impact sur les prix
Protéger les consommateurs à bas revenus ensuite, par la baisse des taux sur les produits de consommation courante, et le conseil départemental ne veut plus se faire avoir : « Des actions de vérifications des prix seront effectués par les services du département tous les trimestres pendant deux ans sur la base d’un panier de produits. »
Le produit fiscal sera maintenu à l’identique, « il devrait même atteindre 86 millions d’euros cette année, et nous visons 100 millions d’euros l’année prochaine. »
Mais sans aucune garantie que leur clef de répartition 45-55 avec les communes soit entérinée par un décret, « on aurait dû basculer dans le droit commun s’il n’y avait pas eu ‘l’amendement Ibrahim’ qui nous a privé de 19 millions d’euros de surplus pour 2015 ! », s’agace Ben Issa Ousseni, élu en charge des finances
Daniel Zaïdani proposait une autre solution, « ne pas s’occuper de partager l’octroi de mer avec les communes, mais de demander à l’Etat de garantir les recettes de 170 millions d’euros comme il l’avait promis, et même à 190 millions comme nous aurions dû l’exiger ! » Une intervention qui fera sortir de ses gonds la présidente du CDTM Fatimatie Bintie, Razafinatoandro, et Raïssa Andhum, conseillère de Koungou, « c’est lui qui était aux manettes à l’époque ! Je ne veux plus entendre d’ordre d’un commandant qui a mal gouverné notre bateau ! »
Le président Soibahadine Ramadani part justement à Paris lundi. Reçu par Marc Vizy, le conseiller outre-mer de François Hollande, il devrait lui être confirmé un effacement de dette de 18 millions d’euros sur le trop perçu fiscal. Et d’autres bonnes nouvelles pourraient lui être annoncées.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte