Compensation de l’Etat aux finances : Des avancées, mais on est encore loin du compte

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En basculant vers une fiscalité de droit commun, l’Etat devait garantir 165 millions d’euros au département. Seuls 107 millions ont été perçus en 2015. Ce qui explique la visite à Paris de l’exécutif du département la semaine dernière. Mais ont-ils eu assez de poids ?

Christian Eckert et Soibahadine Ibrahim Ramadani
Christian Eckert et Soibahadine Ibrahim Ramadani

Pour expliquer le sens de la mission parisienne de la délégation du conseil départemental de Mayotte, auprès du Secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, du Conseiller du Président de la République en charge de l’outre-mer, Marc Vizy, le Conseiller du Premier Ministre en charge de l’outre-mer, Frédéric Potier, ainsi que la Ministre des outre-mer, George Pau-Langevin et son cabinet, il faut revenir à l’année 2014. L’année de beaucoup de changement, puisque Mayotte intégrait de droit commun en matière de fiscalité.

Jusque là, notre département vivait grâce à deux recettes, le produit des impôts et des taxes douanières : 165 millions d’euros avaient été perçus en 2012, et 181 millions en 2013.

En 2014, la réforme fiscale impose d’allouer les impôts aux communes comme partout en France. Pour l’Octroi de Mer, c’est plus compliqué. Si dans les autres DOM, il part intégralement aux communes, en Guyane et à Mayotte, on partage entre le conseil départemental et les communes.

La perte des recettes pour le conseil départemental doit être compensée. C’est un arrêt du Conseil Constitutionnel de mars 2003 qui l’impose : « Tout nouveau transfert de compétences doit s’accompagner de l’attribution de ressources équivalentes à celles consacrées à l’exercice de la compétence transférée par l’État. »

Un trou de 82 millions d’euros

Soibahadine Ramadani aux côtés de Frédéric Potier, entourés du DGS Jean-Pierre Salinières et du directeur de cabinet Ousseni
Soibahadine Ramadani aux côtés de Frédéric Potier, entourés du DGS Jean-Pierre Salinières et du directeur de cabinet Ousseni

Pour le respecter, l’Etat a choisi de garantir les ressources de l’année 2012, soit 16 millions d’euros de moins que si l’année 2013 avait été retenue. Le département ne l’a pas suffisamment défendu en son temps.

Ensuite, ce sont seulement 107 millions d’euros que Mayotte a perçu au final cette année 2015. Un trou de 82 millions d’euros donc, dû par l’Etat. Et de 98 millions, même, si l’année 2013 avait été retenue. Deuxième demande du président Ramadani.

En effet, l’Etat n’a choisi de garantir que 83 millions d’euros en dotation de compensation, et l’autre recette, l’octroi de mer a été plafonné à 24 millions d’euros par « l’amendement Ibrahim », du député Aboubacar. 83 millions d’euros contre 165 millions d’euros, voire 181 millions si l’année 2013 avait été retenue… l’Etat s’en sort plutôt bien !

On pourrait donc presque dire que l’avenir de Mayotte se joue là, si le département n’avait pas réagi. A-t-il négocié à la hauteur des enjeux ? L’avenir le dira.

Une écoute partielle

Marc Vizy, un interlocuteur privilégié des outre-mer
Marc Vizy, un interlocuteur privilégié des outre-mer

Le président, son directeur de cabinet et le DGS n’ont pas axé leur négociation sur la seule réévaluation de la dotation financière, mais aussi sur les compensations auxquelles peut prétendre notre territoire au titre de région.

Plusieurs autres points ont donc été discutés, qui tournent autour de la motion signée le 8 décembre par l’ensemble des élus, syndicats et patronat, toujours sur une égalité républicaine du territoire : la compensation des nouvelles charges transférées notamment le RSA, le remboursement des charges hors compétences du département (notamment la scolarisation des lycéens hors Mayotte), la réévaluation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la répartition des produits de l’octroi des mers entre le département et les communes, que le département souhaite porter à 45% (pour le département) contre 55% (communes), l’annulation des acomptes versés au titre de l’impôt sur les sociétés en 2013, un meilleur recouvrement des recettes notamment des créances dites douteuses, la finalisation des partitions des terrains et bâtiments entre l’Etat et le département de Mayotte.

Selon nos informations, ils auraient été entendus sur plusieurs points, notamment sur l’annulation partielle (18 M€) du trop perçu d’impôt et sur une garantie d’accompagnement pour recouvrer certaines recettes. Mais nous sommes loin des 83 millions d’euros, au moins, que l’Etat doit compenser au titre d’un principe constitutionnel…

Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte

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