C’est un manuel de réhabilitation des fonctions régaliennes de l’Etat «à l’ancienne», que publie Alain Juppé ce mercredi. Pour connaître le fil rouge de «Pour un Etat fort», il fallait lire le JDD du week-end, puisque le maire de Bordeaux, candidat à la primaire de la droite, y révèle en exclusivité son contenu.
C’est un ouvrage de 265 pages, en vente dans quelques librairies bordelaises depuis ce mardi 5 janvier, qu’avait détaillé la dernière édition du Journal du Dimanche, 20 mesures de restauration du rôle régalien de l’Etat sur les thèmes qui font débat : la justice, l’immigration, la police ou l’armée.
Un Etat plus fort, les Mahorais en demandent justement sur ces sujets. Mais Alain Juppé, qui avait bien entendu bouclé son opus avant de se rendre à Mayotte le 21 décembre dernier, n’y va pas de main morte : « Un Etat fort, c’est un Etat qui assume avec autorité ses missions régaliennes de sécurité et de justice », dit-il en critiquant la politique pénale de Christiane Taubira qu’il résume à « puisqu’il n’y a plus de place dans les prisons, ne mettons plus les délinquants en prison. »
C’est un langage de fermeté, avec le durcissement des conditions de rapprochement familial ou le rétablissement des peines plancher, qu’il transmet, et pas seulement dans un contexte post attentats, puisqu’il concerne aussi « les abus scandaleux » de l’aide médicale d’Etat.
Rapprochement familial conditionné à l’exercice d’un emploi
Ses vingt propositions pour redonner tout son lustre au pouvoir régalien portent tout d’abord sur la sécurité, avec le redéploiement de 4.500 policiers et gendarmes sur le terrain, en les allégeant de leurs taches administratives « qui selon la cour des comptes occupe les deux tiers de leur temps », la suppression des réductions automatiques de peines, mais aussi des peines de substitution (bracelet électronique) pour les condamnés à plus d’un an de prison, le rétablissement des peines plancher (peines minimales), la construction de 10.000 places de prison et la création d’une « police pénitentiaire », chargée de repérer les trafics et la radicalisation des détenus.
Le deuxième volet, concerne l’immigration, et on se souvient de la stupeur affichée d’Alain Juppé en décembre dernier face à l’état des lieux des expulsions depuis notre île, et ses nombreuses tentatives de retour, « un vrai tonneau des Danaïdes », lâchait-il en disant en aparté son incompréhension face à l’absence de solution diplomatique négociée avec l’Union des Comores, lui qui fut ministre des Affaires étrangères. Il appelle à faire voter chaque année un plafond d’immigration légale en France, à durcir les conditions de rapprochement familial « conditionné à l’exercice d’un emploi (…) Les étrangers qui vivent d’un revenu d’assistance ne pourraient plus en bénéficier ».
Français à la naissance, sous conditions de séjour des parents
Autre point qui devrait trouver un écho favorable à Mayotte sur ce thème porté par les Femmes leader : « conditionner l’acquisition de la nationalité française pour les enfants nés en France, à la régularité du séjour d’au moins un des deux parents au moment de la naissance. » Il prend par contre position contre la déchéance de nationalité, qu’il voit comme « un coup politique » du président Hollande pour diviser, « alors qu’elle ne dissuadera aucun djihadiste de se faire sauter. »
Sur le dossier religieux, il fait preuve de pragmatisme en rappelant que les cantines de Bordeaux proposent plusieurs menus, « c’est absurde de dire qu’on va imposer à tout le monde de manger du porc », tout en interpellant les tatillons de la laïcité, « le foulard même à l’université, ça bouleverse qui ? », en fustigeant les interdictions de crèches dans les mairies « nous avons des racines chrétiennes et nous devons les assumer. »
Il demande en revanche un « pacte avec l’islam de France », notamment pour le recrutement des imams, leur formation civique et « l’utilisation de la langue française pour les prêches ». Un point carrément impossible à appliquer à Mayotte actuellement.
L’ouvrage d’un candidat qui prend position à droite, mais sur des thèmes de sécurité et d’immigration qui interpellent tous les Français. Parce qu’ils n’ont jamais été appréhendés correctement, quand ils mériteraient notamment une réflexion et des solutions à l’échelle mondiale.
En attenant, à Mayotte beaucoup partageront la critique du candidat à la présidentielle de 2017 : « Les Français ont parfois l’impression que l’Etat est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte