Ils sont 70 professionnels de la mer à suivre une formation sur l’identification des raies et des requins à l’université de La Réunion. Et face à eux, ils ont une spécialiste en la personne de Clotilde Bodiguel, directrice technique de SmartFish, le programme qui contribue à l’organisation et à la régulation des pêches d’une vingtaine de pays de la grande zone océan Indien. Clotilde Bodiguel est mise à disposition de la Commission de l’océan indien qui organise la session par la FAO, l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
«Tout est parti d’une réunion en 2012 entre les responsables du programme SmartFish des Comores, de la Réunion, des Seychelles, de Maurice mais aussi de la Tanzanie, du Kenya etc…», se souvient Clotilde Bodiguel. A l’époque, lorsqu’on parlait de requins mais personne n’était capable de présenter une situation fiable. «Nous avions une capacité quasiment nulle à identifier les différentes espèces parce que les gens n’étaient pas formés et parce qu’il n’y avait pas d’outils». Clotilde Bodiguel s’est donc attelée à la réalisation d’un guide sur les espèces de requins de la région. L’ouvrage vient de sortir en anglais avant une édition en français. Il se veut compact pour pouvoir être utilisé sur le terrain, à bord des bateaux pour aider à l’identification.
«Ce guide pratique s’adresse à un public est assez large. Les observateurs des pêches embarqués qui peuvent avoir à identifier différentes espèces dans le cadre de leur mission. Bien sûr, les pêcheurs qui ont obligatoirement à relâcher certaines espèces parce qu’elles sont interdites de pêche. Les scientifiques qui n’ont pas tous les connaissances en la matière. Les ONG qui sont nombreuses dans la région à travailler sur la conservation des requins… Le guide est assez simple pour que quiconque s’intéresse à cette question des requins puisse l’utiliser».
Protéger ce que l’on connaît
En plus de l’ouvrage, les participants à cet atelier reçoivent les clés d’identification des requins, de la forme des ailerons à celle de la tête, en passant par la position des ailerons dorsaux, caudaux etc… «Il faut pouvoir identifier pour pouvoir conserver. Ce qu’on ne connaît pas, on ne peut pas le protéger, on ne peut pas le réglementer. À titre d’exemple, il y a eu à la COI un essai d’évaluation de stock sur le requin ‘peau bleu’. Et il n’y a eu aucun résultat parce qu’on n’a pas pu construire de statistiques fiables», regrette Clotilde Bodiguel.
Certes, ce problème du manque d’information est mondial mais partout, les choses commencent à bouger. Ainsi, ces dernières années, de nouvelles espèces ont été inscrites à la Cites (Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction) et interdites à la vente. Une bonne nouvelle même si Clotilde Bodiguel sait qu’il s’agit toujours «d’un combat» comme pour le cas du requin renard, interdit à la pêche dans notre zone mais pas ailleurs.
179 nouveaux requins observés
Car la problématique requin est très différente d’un pays à l’autre. Aux Seychelles, la notion de protection des espèces commence à s’imposer dans les mentalités comme à Maurice où aucune pêche côtière de requins n’est autorisée. A Madagascar, à l’inverse, les requins sont encore beaucoup consommés et exportés et il n’existe quasiment aucune réglementation.
C’est dans ce contexte que des discussions sont en cours pour l’inscription de nouvelles espèces à protéger. En moins de 10 ans, on a découvert 179 nouveaux requins dans notre région. Le sud-ouest de l’océan Indien est ainsi le 2e spot mondial de requins après l’Australie avec environ 350 espèces présentes dans les eaux qui nous entourent.
RR
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avec le JIR.