Celui que Libé présentait comme « l’influent syndicaliste (qui) tire en toute discrétion les ficelles de l’agro-industrie française », pour être à la tête du géant céréalier Sofiprotéol (Lesieur, Puget, œufs Mâtines…), 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, était à Mayotte ce week-end pour rencontrer les petits agriculteurs mahorais. Il présidait l’Assemblée générale de la Fédération départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Mayotte (FDSEAM).
Xavier Belin était venu sur notre île il y a 10 ans, 10 ans sans véritable révolution du monde agricole local, mais quand même : « Point important, les agriculteur sont beaucoup plus impliqués, notamment grâce à Laïni Mogné-Mali et son équipe », explique-t-il au JDM, en encourageant l’action de la présidente de la FDSEAM.
Une action qui aura permis de commencer à mettre en place la Mutuelle sociale agricole et plusieurs formations, notamment sur les produits phytosanitaires et le portage de dossiers européens.
Absence des élus départementaux
Des agriculteurs locaux heureux de pouvoir s’adresser à un interlocuteur national, et évoquer les problèmes qui stagnent depuis plusieurs années. Le foncier en est un, et de taille, qu’avait fait violemment remonter Harouna Elhad Dine, président des Jeunes agriculteurs, en déversant du purin sur la tête du président du conseil général il y a un an.
Le département ne débloque en effet pas les terres nécessaires, et l’absence des élus lors de cette AG pourtant tenue dans l’hémicycle Younoussa Bamana ce dimanche, est révélatrice de leur manque d’implication: « Les élus doivent comprendre que le développement de ce secteur économique est un fort vecteur de création d’emplois », insistait le président de la FDSEAM, qui appelait par ailleurs à s’impliquer fortement dans le prochain Etablissement public foncier, « qui cristallise beaucoup d’attentes. »
Mutualiser les cautions
Il encourageait les projets à s’orienter vers les fonds européens, dont on connaît le problème de cofinancement, pour lequel il a des solutions : « Il existe des subventions nationales, jusqu’à 15.000 euros, qui peuvent faire office de préfinancement. Mais il faudrait surtout créer un Fonds de caution mutuelle, pour rassurer les banquiers, et éviter le refus de certains dossiers. Car nos agriculteurs sont motivés. »
Avec le sénateur Thani Mohamed Soilihi, présent lors de cette AG, et dont c’est un des chevaux de bataille, il a pu évoquer le problème de la Loi Littoral, qui place la plupart de nos terrains en ZPG, empêchant tout aménagement : « Il faut la rendre humainement et économiquement applicable à Mayotte. Les agriculteurs doivent pouvoir habiter sur leurs exploitations. »
Pillage des exploitations
Une avancée qui permettrait de répondre à une souffrance des paysans : le vol et le vandalisme qu’ils ont massivement dénoncés dimanche, accusant des immigrés clandestins de ces pillages.
Se tournant vers l’avenir, les participants de l’AG ont évoqué le rôle du lycée agricole de Coconi, « moteur dans la construction de filières autonomes. » L’aviculture par exemple, implique pour sécuriser une production locale, de se doter d’un couvoir, d’une production d’aliments, et d’un abattoir.
Il faudra pour cela que les élus reviennent sur leur élaboration des taux d’octroi de mer : « Il devient plus intéressant d’importer des aliments que de les produire sur place. » Les gros importateurs s’y retrouvent, pas les petits agriculteurs…
Xavier Beulin sera reparti sur un constat : l’insularité et l’isolement peuvent avoir une réponse, « celle d’une agriculture qui nourrirait les 300.000 bouches du territoire. Une valeur ajoutée considérable mais qui appelle qu’on accompagne ces agriculteurs. » Mayotte tient là son potentiel de développement. Mais qui y tient parmi les décideurs ?
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte