L’initiative en revient à l’active association de parents d’élèves de Chiconi menée par Assani Zalifa. Elle avait fait parler d’elle pour sa campagne d’éviction de la prostitution, et sa fermeture d’autorité d’un débit de vente de boissons alcoolisées où se rendaient selon elle des mineurs.
C’est dans le but de « faire régner la paix à Chiconi », qu’elle a contacté l’association COSEM, le Conseil de Quartier pour la sécurité de Mayotte de l’avocat Elhad Chakrina. Et le maire, Zaïnoudine Antoyissa, qui a répondu présent, en convoquant ce samedi une réunion-conférence de presse à la mairie.
Une présence du premier magistrat et de son équipe municipale, dont la 1ère adjointe en charge de la sécurité, soulignée par Elhad Chakrina qui déplore, à l’instar du procureur, le manque d’implication des élus de proximité. Ils détiennent pourtant une partie des clefs de la lutte contre la délinquance sur leur territoire. Un maire qui s’effaçait derrière les vedettes du jour : « J’ai de la chance d’avoir des parents comme vous. »
Patrouilles de 7h à 17h
Elles sont donc une vingtaine de mamas à avoir répondu présent pour patrouiller de 7h à 17h dans le village : « Autour et dans les 4 écoles primaires, et au collège de Chiconi où de nouvelles agressions ont eu lieu cette semaine. Nous voulons donner une autre image de notre village. »
L’initiative est venue « de la base », comme le retrace Zalifa, « ce ne sont pas des ‘intellectuelles’, mais elles ne voulaient pas rester passives, et ont commencé par se rendre dans les écoles primaires où les petits délinquants commencent à se faire connaître. »
La convention signée avec la mairie ne fait donc qu’entériner l’existant, en le structurant et en permettant aux mamas de se vêtir de sexy gilets jaune fluo et de se doter de sifflets qu’elles ont aussitôt testés : « Si j’avais été équipé, j’aurais pu mettre en fuite un voleur de portable cette semaine », explique Zalifa.
« Où sont les papas vigilants ? »
L’origine des maux, la leader des « mamas vigilantes » le résume très bien : « L’éducation c’est les fondations d’un pays, et sans fondation, la maison ne peut pas tenir. » Elle interpellait les hommes, « où sont les papas vigilants ?! »
Relayée par Elhad Chakrina qui dessinait le tableau de ce qui est encore la famille mahoraise : « Le papa polygame qui ne s’occupe pas des enfants, et la maman qui n’arrive plus à gérer seule des ados turbulents sans oser donner fessée ou gifle de peur de se retrouver au tribunal. Mais lorsqu’elle voit son fils revenir avec un téléphone portable tout neuf, elle doit le questionner et agir pour le ramener sur le droit chemin. Ce n’est pas toujours la faute de l’étranger. »
« Ah, les hommes et la société mahoraise ! », s’exclamait l’un d’eux, traduisant leur rôle secondaire dans les combat à mener, mais aux premières loges lorsqu’il y a des postes à prendre, « nous demandons à créer les ‘papas vigilants’ », assurait un autre.
Présent avec son adjoint, le principal du collège de Chiconi se réjouissait de cette action pour laquelle il autorise les mamas à entrer dans l’établissement : « C’est la confluence de cette action et de la présence des gendarmes tous les 15 jours, qui aura une influence positive sur les jeunes qui doivent comprendre que leur intérêt c’est d’étudier. »
Facteur aggravant de l’oisiveté, les maisons des jeunes et de la culture ont été fermées à Chiconi, « pas suffisamment sécurisées pour accueillir du public », souligne le maire qui est en recherche de financements pour leur rénovation.
Pour plus d’efficacité, Zalifa interpellait les mamas du village voisin de Sohoa, dont les jeunes sont scolarisés au collège de Chiconi, « il faut mobiliser là-bas si on veut traiter la problématique dans sa globalité. »
Les mamas médiatrices s’organisent donc en petits groupes en fonction de leur emploi du temps, « au fond, on ne fait que redonner l’éducation aux villageois comme cela se faisait dans la société traditionnelle », concluait Elhad Chakrina. Elles pourraient faire des émules dans d’autres villages.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte