Ils n’en démordent pas. Les 19 ou 20 candidats sur les 25 qui prétendaient à la magistrature suprême, ne veulent toujours pas avaliser les résultats du premier tour des élections présidentielles comoriennes du 21 février.
Ils se sont rassemblés pour les dénoncer et ceux qu’on les présente aujourd’hui comme les signataires du «pacte du 23 février», une sorte d’accord général pour dénoncer les chiffres officiels, appellent à un nouveau rassemblement ce samedi à Moroni.
Au-delà des pourcentages obtenus par les uns et les autres, ils contestent même les «vainqueurs» du 1er tour, les trois personnalités annoncées comme étant en tête dans les résultats provisoires et donc qualifiées pour le 2nd tour du 21 avril prochain.
Cette vingtaine de candidats demande le recomptage des voix du scrutin présidentiel et même l’annulation pure et simple du 1er tour de l’élection du gouverneur de Grande Comore. Ils s’appuient sur le code électoral des Comores pour motiver leurs revendications après la découverte d’éléments «concordants» qui attesteraient de fraudes électorales.
Trop d’éléments
Les doutes ont commencé lors des 48 heures d’attente imposées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour dévoiler les résultats provisoires de ce 1er tour. La méthode a ensuite jeté un nouveau trouble. Alors que l’Union européenne avait mobilisé des fonds pour fournir des logiciels sécurisés pour garantir la sincérité dans la manipulation des chiffres, ils n’ont pas été utilisés.
Plusieurs candidats ont ensuite affirmé que les décomptes des pictogrammes effectués dans les bureaux de vote ne correspondaient pas aux chiffres reportés sur les procès-verbaux. Enfin, une centaine de feuilles de dépouillement auraient été identifiés comme frauduleusement remplies par une même personne… Beaucoup trop d’éléments pour renoncer à la contestation de ce scrutin.
Un finaliste contestataire
Après plus de dix jours de mobilisation, l’organisation du 2nd tour du scrutin est plus que jamais sur la sellette. Car parmi les 20 contestataires, on trouve certes les perdants, dont le candidat arrivé en 4e position, mais pas uniquement. Azali Assoumani, ancien président et candidat, est également un contestataire malgré sa qualification pour le second tour. Il a obtenu la 3e place selon les résultats provisoires de la CENI.
Sincérité ou stratégie politique, il faisait part de ses doutes à nos confrères de RFI cette semaine: «Les résultats ne sont pas encore définitifs. Je suis troisième, si je ne dis rien et que je finis cinquième? Ce n’est pas à ce moment-là que je vais contester puisque ce sera trop tard. Et même si j’étais premier au deuxième, la façon dont ça s’est déroulé nous inquiète donc on a intérêt» à faire partie des contestataires.
Après les recours
Le candidat dénonce l’utilisation «arrogante» des moyens de l’Etat» et les institutions censées veiller à la bonne marche du scrutin et en particulier la CENI. «Ses membres ont été désignés par celui-ci parce qu’il était président, celui-là parce qu’il était gouverneur, l’autre parce qu’il était vice-président. Et maintenant, il se trouve qu’ils sont candidats tous les trois. Nous allons essayer de négocier, de faire en sorte que cette structure soit vue pour que le second tour se passe dans de bonnes conditions».
Les derniers recours ont été déposés mardi soir peu avant minuit à la Cour constitutionnelle des Comores. Le juge du contentieux électoral a été saisi de neuf requêtes dont cinq pour la présidentielle et quatre pour les élections des gouverneurs des îles. Impossible de savoir si les demandes des contestataires vont être entendu. Impossible également de savoir ce qui pourrait se passer si les recours sont rejetés.
«On fait les pressions légales et possibles pour que ça se passe dans les normes», a également indiqué de façon sibylline Azali Assoumani. Pourtant, les inquiétudes sont de plus en vives sur d’éventuels débordements, comme en témoignent les appels au calme du maire de la capitale, lui aussi candidat, Mohamed Daoudou qui voulait «éviter les provocations».
Des appels à «la sagesse»
Face à ces tensions, quelques voix font entendre une autre analyse. C’est le cas de Saïd Larifou, l’avocat franco-comorien qui a obtenu quelque 7% des voix. Il ne s’est pas joint au concert des contestations et appelle au contraire «au rassemblement et à l’apaisement».
«Je ne soutiens pas ce mouvement et je ne suis pas le seul. Avec le sixième candidat, Bourhane Hamidou, nous estimons avoir suffisamment de crédit politique et électoral», indiquait-il cette semaine à nos confrères du JIR.
«Je ne veux pas que les Comores se transforment en pays où l’on se lynche. J’ai demandé des éléments objectifs à ceux qui protestent. Il n’y a pas eu de fraudes. Il y a des irrégularités, certes, mais elles sont techniques. Et le Conseil constitutionnel est seul compétent pour en juger. J’ai appelé mes concurrents à la sagesse», a-t-il fait valoir.
Pour mémoire, le candidat du pouvoir, Mohamed Ali Soilihi, est arrivé en tête le 21 février, avec 17,61%, suivi par le gouverneur de l’île de la Grande-Comore Mouigni Baraka (15,09%), et l’ancien président, le colonel Azali Assoumani (14,96%).
Dans la constitution comorienne, si le vote préliminaire ne concerne que la seule des trois îles à pouvoir prétendre à la présidence tournante (cette année, la Grande Comore), le 2nd tour est organisé à l’échelle nationale, les citoyens des 3 îles votant pour désigner le président.
RR
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