L’audioprothésiste nous arrive tout droit de La Réunion, un précurseur en quelque sorte de l’implantation de la société « Alain Afflelou Acousticien » dont il fait partie. Davantage connu comme opticien, activité qu’il compte également implanter à Mayotte, ce fou d’Alain Afflelou s’est porté sur ce marché en 2011. Lui-même porteur d’appareils auditifs, il se place comme pour les lunettes sur un terrain concurrentiel sur les prix, en apportant en métropole un Tchin-Tchin Audio, la deuxième aide auditive pour un euro. Ce n’est pas encore le cas à Mayotte, loin s’en faut.
Laurent Dubail évoque d’ailleurs les vagues des taux d’octroi de mer sur les importations de prothèses depuis la métropole : « Il est passé de 2,5% à 27% lors de la récente révision des taux ». Mais selon les services des Douanes qui attendaient de recevoir la délibération, le taux aurait fait l’objet du même réajustement que l’ensemble du matériel médical en passant à 2,5% d’octroi de mer régional, lors de la dernière séance plénière. L’implantation de la marque Afflelou Acousticien est prévue d’ici la fin de l’année à Mamoudzou.
Prise en charge des seuls handicaps lourds
Au lendemain de la journée nationale de l’audition du 10 mars, difficile de dresser un état des lieux chiffré des personnes malentendantes à Mayotte, le précédent audioprothésiste n’ayant laissé aucun fichier… Laurent Dubail se base donc sur les données fournies par l’association des déficients sensoriels de Mayotte, l’ADSM, qui l’héberge dans ses locaux.
C’est elle qui s’est démenée pour trouver un audioprothésiste pour l’île, comme nous l’explique son chef de service du service enfant, Médeci Yankoub Dine : « Nous prenons en charge 47 jeunes de moins de 20 ans, et 30 adultes déficients auditifs, tous fortement handicapés. Ce qui est sous représentatif des besoins réels parce que beaucoup ne nous sont pas envoyés. Il fallait donc un audioprothésiste vers qui les médecins ORL ou la PMI vont pouvoir adresser leurs patients. »
Il faut aussi un accompagnement plus marqué de l’Agence régionale de Santé (ARS) pour les enfants, « 15 sont sur liste d’attente », et du conseil départemental pour les adultes, « dont une cinquantaine attendent qu’on les prenne en charge. »
Compter entre 700 et 2.000 € pour un appareillage
Pour étayer son évaluation des personnes touchées, Laurent Dubail se sert des chiffres hexagonaux : 3,6% des 0-20 ans, soit 4.300 jeunes ici, 5,4% des 24-59 ans, soit 4.500 adultes à appareiller, et 24% chez les plus âgés, soit prés de 1.900 à Mayotte. Une bonne raison pour l’enseigne de s’implanter, mais on sait que les chiffres hexagonaux ne sont pas transposables à une société aux fortes particularités.
L’appareillage coute cher quand on sait que 84% des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en 2011 à Mayotte, et que la situation n’a pas dû beaucoup évoluer.
Pour le remboursement, le fonds social de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM) peut être activé, « notamment pour les enfants qui ne sont pas affiliés sociaux », donc prés de la moitié de la population jeune, « les enfants couverts par la Sécurité sociale sont entièrement pris en charge. » Les adultes seront remboursés à hauteur de 270 euros , pour un appareil qui leur coutera entre 700 et 2.000 euros. Là encore, le Fonds social de la Sécurité sociale peut être activé pour les petits revenus, « et l’Agefiph, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, pour les salariés. »
Certains sont déjà appareillés, mais sans suivi pendant deux ans, il faut tout reprendre : « En métropole la durée de vie d’un appareil est de 5 ans, et de 4 ans à La Réunion et Mayotte en raison du taux d’humidité. »
Il découvre une situation médicale difficile : « Il y a des situations humaines inacceptables, avec des enfants privés d’appareil qui ont régressé dans leur développement faute de pouvoir communiquer. Mais il manque aussi d’orthophonistes, il y a vraiment un problème médical à Mayotte. »
Il reste deux à trois semaines pour établir un diagnostic de la situation, puis reviendra une à deux fois par mois, « pour finir par installer définitivement un audioprothésiste peut-être un jour à Mayotte. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte