Les intercommunalités, ces regroupements de communes pour ne faire plus que 5 entités, occupent toujours le devant de la scène : « elles sont mises en place », assure la préfecture. Dans la réalité, rien n’est moins sûr. Si les intercommunalités de Petite Terre, de l’est et de l’ouest sont constituées, il n’en est pas de même au nord et au sud. Loin de là. En raison d’enjeux de pouvoir.
Le bureau de la communauté sud, à la suite d’un différent entre Bouéni et Chirongui, est même contesté devant le tribunal : « L’élément fédérateur des intercommunalités, c’est le consensus. Si elle démarre sur un contentieux, ça ne marchera pas », décrypte un des participants à la réunion. Au nord, l’enjeu est de savoir si le maire de Koungou qui a le plus de conseillers communautaires, 19 sur 38, peut être placé à la tête, « certains lui opposent une mauvaise gestion du SIDEVAM », témoigne notre interlocuteur.
C’est un jugement de Salomon que fait peser le préfet de Mayotte : si d’ici le 15 avril les violons ne sont pas accordés, les intercos visées n’auront plus les moyens financiers de la réaliser. « Ce qui a été confirmée par la DRFIP » (Direction Régionale des Finances Publiques), nous indique-t-on.
Pas prêt pour la refonte fiscale de Valls
Deuxième point fort de la rencontre, la titrisation des parcelles. Son retard freine l’aménagement du territoire, plonge la population dans l’inégalité devant l’impôt, certains en payant pour de nombreux autres, et entrave la politique de logement. Le futur Etablissement public Foncier et de l’Aménagement (EPFA) a été présenté. Il devrait permettre d’accélérer selon la préfecture, le traitement des 12.000 dossiers de titrisation actuellement en souffrance à la Maison du foncier du conseil départemental. Du côté de l’adressage, le travail de la DEAL serait « en cours de résolution » par l’achèvement de la cartographie des communes.
Mais si on veut répondre à la refonte du système fiscal souhaité par Manuel Valls pour 2017, il faudra proposer au premier ministre un état des lieux quasiment abouti d’ici quelques mois, « c’est un leurre », critique notre interlocuteur, pointant du doigt les difficultés d’identification des propriétaires, de cession des parcelles en ZPG, etc. Ce qui avait d’ailleurs motivé la proposition de moratoire fiscal sur 30 ans du conseiller départemental Chihaboudine Ben Youssouf.
« Insuffisance de classes pour les 3.500 élèves de primaire »
La vice-recteur Nathalie Costantini était naturellement présente aux côtés du préfet. Elle présentait aux communes un dispositif d’accompagnement des enfants nouvellement inscrits dans les établissements, « et en difficulté d’apprentissage sur les notions fondamentales de la langue française, des mathématiques et de la citoyenneté. » Programme intégralement financé par l’Education nationale.
Certains maires y voient la pression de la Défenseur des droits pour appliquer la loi sur la scolarisation obligatoire des enfants dès 6 ans, et recommandée à partir de 3 ans : « Nous savons que c’est règlementaire, mais nous n’avons pas la place d’intégrer 3.500 élèves de primaires dans les classes », se plaignent-ils.
Face au déficit que les élus chiffrent à 500 salles de classe par an, la préfecture avance les 13,9 millions d’euros investis en 2014 et 11,8 millions d’euros en 2015, soit 217 salles de classes et réfectoires réceptionnés à ce jour. » On y perd d’ailleurs notre latin, ou plutôt notre arabe, en matière de chiffres, puisque le sous-préfet à la cohésion sociale avait avancé à Mtsamoudou, « 107 salles de classe et 5 réfectoires, rénovées ou neuves produits en 2014-2015 », et non 217…
« 240 actions déclinées sur 5 ans »
Le ton est d’ailleurs monté entre le vice-rectorat pour qui cette scolarisation est obligatoire, et les maires plutôt frileux à l’idée d’inscrire des enfants parfois sans parents, « on facilite le trafic de reconnaissances fictives d’enfants. »
Bernard Rubi, directeur de la DRJSCS, a présenté le service civique, outil d’insertion dans la vie professionnelle, utilisé par les CCAS des communes de Pamandzi, Tsingoni et Chirongui, tout comme La Poste, EDM ou la CSSM. Un dispositif qui monte en puissance sur le territoire, passant de 79 jeunes engagés en 2014, à 94 en 2015. « L’objectif pour 2016 est de 203 jeunes recrutés en service civique. »
Enfin, toutes les mairies ont désormais signé un Contrat de ville en 2015 qui va leur permettre de bénéficier de politiques en faveur de leurs administrés : « 117 porteurs de projets et 240 actions ont été identifiés pour un financement de 3 millions d’euro sur les 5 prochaines années. »
Des correspondants de défense seront désignés dans chaque commune « pour assurer un lien entre le ministère de la Défense et les actions de formation, de recrutement, de gestion de la journée de défense et de citoyenneté », et une formation a été dispensés au maire sur la gestion des Etablissements recevant du public (EPR).
Les maires bénéficient donc de dispositifs élargis pour mener leurs programmes, reste en suspens le problème de leurs ressources fiscales, totalement dépendant du casse-tête foncier.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte