Seulement 44% d’exploitations agricoles titrées à Mayotte

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Les catégorie d'exploitations : une situation complexe à Mayotte
Difficile d’y voir clair dans la réglementation des exploitations à Mayotte

Le « faire-valoir » est la manière dont un domaine agricole est exploité. On définit généralement deux modes de faire-valoir : l’exploitation de la terre en propriété, c’est le faire-valoir direct, ou en location, le faire-valoir indirect.

Mais la DAAF dans son étude retrace 6 formes de faire-valoir à Mayotte, qui traduisent l’histoire des évolutions agraires :

-«La propriété avec titre» correspond à l’officialisation d’appropriation des terres, soit à l’époque de la dissolution des domaines et/ou à une régularisation de l’occupation des terres par le Conseil Départemental de Mayotte (CDM) qui a hérité de plus de 8.800 ha des terres agricoles libérées par les sociétés coloniales (Bambao, etc)

– « L’indivision » : Les doyens de la famille sont les titulaires du foncier qu’ils doivent répartir entre tous les descendants. Basé sur le principe du droit coutumier mahorais, pour lequel la propriété foncière repose sur l’antériorité de l’occupation de la terre avec exploitation agricole à destination familiale. Ainsi, une parcelle de plusieurs hectares peut être mise en culture aujourd’hui par plusieurs dizaines d’exploitants différents sans que chacun d’eux ne connaisse l’ensemble des autres ayants droits

– « En voie de régularisation » correspond à des exploitants qui cultivent sans titre une même terre depuis plus de 10 ans, mais qui ont déposé une demande de revendication sur celle-ci afin que le CDM le leur rétrocède officiellement à titre gratuit ou à prix modique

– « Bail ou convention » correspond à une location classique auprès d’un propriétaire ou d’une collectivité, comme le conservatoire du littoral qui veut s’assurer du respect d’un cahier des charges grâce à une convention

– « Occupant sans titre » peut correspondre à une exploitation sans aucune forme d’accord verbal ou écrit et sans demande de régularisation. Il peut s’agir de l’installation « d’exploitants sans papiers » par exemple

– « Métayage » est une forme de location avec versement en nature. Certains « exploitants sans papiers » bénéficient d’un accord du propriétaire qui prend une partie de la production (1 veau sur 2 par exemple).

Des indivisions-sans titres 

Une agriculture essentiellement vivrière
Une agriculture essentiellement vivrière

La comparaison de ces formes d’exploitation avec l’année 2010 livre plusieurs informations. La première est encourageant puisque le taux de « propriété avec titre » a significativement progressé, passant de 23% des exploitants en 2010 à 36% en 2015, correspondant respectivement à 33% et 47% des surfaces.

L’indivision, elle, a augmenté. Une tendance qui ne peut que s’accroitre avec le départ à la retraite des anciens et la transmission, mais devrait être compensée par les régularisations en cours selon la DAAF qui émet une deuxième hypothèse. Les « occupations sans titre » régressent, « ce qui est étonnant compte tenu de la présence de plus en plus prégnante des « exploitants sans papiers ». Et avance que les agriculteurs de souche qui se déclaraient sans titre en 2010 peuvent avoir été remplacés par leurs enfants qui maintenant se déclarent en « indivision ».

Les catégories « occupations sans titre » et « indivisions » sont donc étroitement imbriquées : « Les occupants sans titres sont souvent des personnes en indivision qui s’ignorent », soulignait déjà l’étude de 2010. Ces 2 catégories représentent 55% des exploitants en 2010 et 50% en 2015.

Régularisation au nord de l’île

Progression des titrisations dans le nord, régression dans le sud
Progression des titrisations dans le nord, régression dans le sud

Seules 10% des terres sont exploitées avec un bail. A noter qu’un arrêté de la DAAF de 2012 a maintenant défini la base de calcul des prix des baux ruraux. Quant au métayage, il est officiellement peu représenté, bien qu’en fait couramment pratiqué entre exploitants locaux et sans papiers.

Les demandes de régularisation sont faibles, seulement 5% en nombre d’exploitants et en surface.

La DAAF se réjouit malgré tout des taux d’exploitations en propriété ou location, donc déclarées, de 44%, contre 38% en 2010, « soit 54% des surfaces ». Un effort plus intense dans certaines communes, notamment au nord, M’tsamboro, Bandraboua, Acoua.

C’est que l’enjeu est l’utilisation optimale des fonds européens dans un secteur très peu structuré. L’utilisation des fonds du Programme de développement rural de l apolitique agricole commune est en effet conditionnée aux exploitations officielles. 66% des exploitants n’ont donc aucune visibilité et aucune motivation de développement de leur exploitation.

Une nébuleuse pas très attractive pour les jeuneszébus

D’autre part, l’indivision et la précarité d’exploitation constituent un frein majeur à l’installation de jeunes agriculteurs. Un jeune qui veut s’installer cumule tous les handicaps : petitesse des parcelles, difficulté d’accès, nébuleuse de propriétaires qu’il faudrait contacter, insécurité des productions sujettes aux vols.

De surcroit, la problématique de la rémunération du travail agricole reste entière pour l’incitation à l’installation, puisque le revenu agricole familial par actif des jeunes producteurs est entre 3 et 7 fois inférieur au coût d’opportunité de la main-d’œuvre espéré dans un autre secteur d’activité.

« La transmission du foncier est donc une préoccupation majeure à traiter ». Les pistes de réflexion portent sur le système de retraite afin de céder le foncier aux générations suivantes et une réforme foncière ambitieuse et équitable permettant de lever l’insécurité et l’indivision des terres.

A.P-L.
Le Journal de Mayotte

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