Le plus petit dénominateur commun à leurs discours respectifs est la reconstitution de carrière de ces agents qui ont été intégrés dans la fonction publique après avoir commencé à travailler pour la collectivité de Mayotte, sans que ces années soient comptabilisées dans leur ancienneté. Un sénateur les avait qualifié d' »oubliés de la République » : « Ils ont bien travaillé pour l’administration française, et non comorienne, pourtant ! », souligne Solidaires, « leurs droits à la retraite en sont impactés », fait remarquer la FSU.
Et le plus grand dénominateur, c’est la transposition intégrale et immédiate du code du travail et des conventions collectives à Mayotte. Et c’est El Hanziz Hamidou, secrétaire départemental de FO, qui mène toujours la revendication sur ce point.
Comme il l’avait fait devant la mission Ledemé d’étude sur la transposition du code du travail, il rappelle qu’on a demandé en 1975 aux mahorais de patienter, « en établissant un statut provisoire. On a joué le jeu en restant collectivité territoriale, régie par l’article 74 sans assimilation législative, pour basculer en 2011 département, sous l’article 73 avec assimilation législative. Mais 5 ans après, on débute la mise en place de la départementalisation. » Il oublie de préciser que cet article 73 est adaptable en fonction des spécificités dans les collectivités d’outre-mer, à l’exception de La Réunion.
« Il n’y a pas de vrai service public ici »
El Hanziz Hamidou accuse le gouvernement d’avoir continué à traiter Mayotte en spécialité législative, « il n’y a pas de vrai service public ici, que ce soit l’enseignement, l’hôpital, La Poste, tout est symbolique. Nous sommes indignés car nous régressons. Ce mouvement s’inscrit sous le signe d’un rapport de force, avec comme objectif l’égalité républicaine, qui nous donnera notamment les moyens de lutter contre le problème de la délinquance. »
S’il y a un point qui fait consensus entre eux et le gouvernement, c’est celui du retard pris dans la mise en place du code du travail, « tout n’a pas été fait en temps utile », admettait Dominique Ledemé, Directeur du travail chargé de mission transposition du droit du travail à Mayotte, en décembre dernier. Il proposait aux partenaires sociaux un calendrier d’application du code du travail, en les invitant à proposer des applications de conventions collectives dans les secteurs de leur choix.
Un arrière goût de 2011
« On a assez attendu », réplique Sud Education-Solidaires, qui retrace la rencontre qui s’est tenue au ministère de l’Outre-mer ce 15 mars : « Nos représentants nationaux sont revenus de Mayotte avec des dossiers sur les retards de la fonction publique ici, sans obtenir de réponse. Le cabinet avaient même l’air surpris. A la prochaine rentrée, ce sont plus de 1.000 contractuels qui vont être recrutés, les postes ne sont pas pourvus. »
Ils s’interrogent à plusieurs reprises : « Que veut faire l’Etat de Mayotte ?! Mayotte est française depuis 1841, bien avant les autres DOM, qu’est ce qu’on attend de nous ? Où l’Etat veut-il nous conduire ? »
Une phrase qui résonne comme un rappel de 2011, quand la grève avait démarré sur le thème de la vie chère, pour embrayer sur tout un tas de frustrations accumulées. La transposition du code du travail sera-t-il aussi un détonateur ? Lorsqu’on souligne le parallèle et son risque de dérapage avec des jeunes érigeant des barrages dans la rue, ils répondent que « c’est déjà le cas, et qui en est responsable ?! »
En tout cas, en faisant évoluer leur discours dans cette direction, ils sont certains de fédérer les critiques de tous bords contre les politiques de l’Etat en matière sanitaire, sécuritaire, d’immigration clandestine, etc.
Ils annoncent vouloir mobiliser dès aujourd’hui dans les villes et les campagnes, « pour instaurer un vrai rapport de force. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte