Thani Mohamed reprend une idée qu’il développe depuis plusieurs années : pour garantir une stabilité politique, le département de Mayotte doit changer son mode de scrutin. Le sénateur préconise de basculer vers un scrutin proportionnel de liste à deux tours.
Ce serait une exception nationale puisque actuellement, comme partout en France, les élections départementales sont organisées selon un scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours. C’est à dire qu’on élit une femme et un homme, qui doivent, pour être élus au premier tour, recueillir la majorité absolue (plus de 50% des suffrages exprimés), ou la majorité relative au second tour.
Thani Mohamed, appuyé par une trentaine d’autres sénateurs, ultramarin et métropolitains, propose que ce soit non plus un individu, mais une liste qui soit élue. Plus de risque de coup d’état, ou de dissidence avec bascule vers une liste voisine comme cela s’est passé en 2011…
Des hommes et des femmes avant tout capables de conduire les politiques
Son intervention (lien) précise les contours de ce nouveau mode de scrutin, avec un premier tour qui permet à la liste qui a obtenu le plus de voix d’obtenir un nombre de sièges égal au tiers du nombre des sièges à pourvoir, et excluant les listes ayant fait moins de 5%.
Une proposition qu’il justifie par la stabilité politique indispensable aux combats à mener : face aux « bouleversements sociaux induits par la mutation du droit coutumier, la fin des cadis, la fiscalités de droit commun et l’arrivée des fonds européens », et face aux défis, « l’explosion de la démographie avec la multiplication par huit de la population en cinquante ans, le syndrome de ‘la vie chère’, la réforme du système scolaire, la problématique de l’immigration illégale, et la situation budgétaire préoccupante des collectivités ».
Mayotte doit également exercer la plénitude des attributions d’un département et d’une région. « Les compétences actuellement partagées avec l’Ile de La Réunion dans les domaines de la santé et de la famille, devront être pleinement assumées par les Mahorais. »
Un élu pour 4.000 habitants en Guyane, un pour 8.000 à Mayotte
Pour les relever, il faut des élus capables, et seuls la diversité pourra y amener selon le sénateur : « Un des leviers majeurs pour mener à bien les politiques structurelles dont Mayotte a besoin est de disposer de suffisamment d’hommes et de femmes pour les conduire. Mayotte manque d’élus pour parler avec la population ». Surtout d’élus responsables, rajouteront les critiques.
Mais pour le sénateur mahorais, c’est le nombre qui fera la différence : « Mayotte a besoin de porte-voix, d’élus qui siègeront en commission, dans les instances de gouvernance locales (…) Or comment mener à bien une si lourde tâche avec seulement deux représentants par canton au sein de l’assemblée départementale? »
Quoique pensent les détracteurs de cette demande, il s’agit d’équité, comme il le rappelle : un élu pour 6.000 habitants en Corse, un pour 5.000 en Guadeloupe, un pour 4.000 en Guyane… Et un pour 8.000 à Mayotte, si tant est que la population de 212.600 soit une bonne base. Il préconise alors d’accroitre le nombre d’élus à trois par canton.
Deux propositions qui, comme il le souligne, sont conformes à la motion du Conseil général de Mayotte du 12 juin 2014 relative au mode de scrutin et au nombre d’élus du département. Il ne s’agit que d’aligner le nombre de représentants sur celui des collectivités comparables…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte