Elle figurait en bonne place des 38 propositions annoncées par François Hollande lors de son passage à Mayotte le 22 août 2014 : « Un Plan d’urgence en faveur de la jeunesse, suggéré par le Secours Catholique, les apprentis d’Auteuil et Médecins du monde », s’affichait en numéro 10 de la liste présidentielle. Les trois associations avaient raison de vivre cela comme une victoire, en raison des efforts déployés. Petite retour sur l’année 2014.
Les délégations mahoraises des trois organisations agissent essentiellement dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’aide administrative, de la santé auprès des familles et des plus jeunes en difficulté de scolarisation. Elles ont fait remonter une situation catastrophique, d’enfants en grand désir de s’en sortir, mais de plus en plus livrés à eux-mêmes.
On parlait en 2012 de bombe à retardement, elle a explosé depuis deux ans, les chiffres de la délinquance en témoignent. Pas plus tard que ce lundi, de nombreux jeunes ont pris d’assaut le rond-point de Dzoumogne à la suite des grévistes, et ont passé leur après-midi à défier les gendarmes à coup de pierres, qui ont du riposter en lançant des grenades lacrymogènes.
Le message était passé jusqu’au président Hollande
Face à la difficulté de sensibiliser nos politiques parisiens à ce qu’ils perçoivent comme de la misère extérieure, provenant d’un territoire qui ne leur ressemble pas, le Secours Catholique avait émis l’idée de faire venir sur place les big boss des trois associations, qui, en remontant à Paris, seraient plus prés du bon Dieu, et surtout de ses saints, pour faire passer les messages.
La mission s’est donc rendue à Mayotte du 8 au 14 juin, composée de François Soulage, président du Secours Catholique, Bernard Prévost, président d’Apprentis d’Auteuil, Olivier Lebel, directeur général de Médecins du Monde, de deux parlementaires, Félix Desplan, sénateur de la Guadeloupe, Bernard Lesterlin, député de l’Allier et d’Eustase Jancky, membre du Conseil économique, social et environnemental.
Ils avaient rapidement su faire remonter puisqu’en arrivant quelques mois plus tard à Mayotte, le président de la République annonçait ses 38 mesures, dont le Plan Jeunesse.
Aucun référent en préfecture
Il s’agissait de répondre à une problématique simple : comment prendre en charge une jeunesse qui représente la moitié de la population du 101ème département, dont la moitié de la population active est au chômage ou sans emploi. En acceptant ce flux migratoire, l’Etat doit se donner les moyens de s’occuper de ses jeunes.
Toutes les associations témoignent d’enfants et d’adolescents dégageant une énergie, une envie d’apprendre, une docilité face à l’enseignant, sur laquelle on peut encore agir.
Il s’agit donc pour les pouvoirs publics d’établir un dialogue avec l’ensemble des acteurs qui impliqueraient les jeunes et les familles avec lesquels ils travaillent, pour que chacun assume ses responsabilités à l’égard de la population.
La préfecture devait en assurer le pilotage. Le Plan Jeunesse avait notamment été rattaché à la hâte au document cadre Mayotte 2025. « Nous n’avons jamais été contactés, alors que les besoins sont colossaux », répondent unanimement les associations sur place.
Le jeune stagiaire ENA qui en avait la charge, nous avait indiqué en décembre, que le comité de pilotage était en cours de constitution, sans nouvelles depuis. Il a d’ailleurs terminé son stage à Mayotte, et malgré nos sollicitations, la préfecture n’a pu nous désigner son successeur sur ce dossier.
A Paris, ce n’est pas mieux semble-t-il, puisque ce plan devait être rattaché au plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, sans réponse.
L’errance des ados, le laisser aller et laisser faire envers les très jeunes, montrent que la situation peut encore empirer. Et qu’il y a urgence à agir.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte