« Le niveau scolaire n’est pas en régression lorsqu’on observe le parcours suivi par un enfant qui a suivi de bout en bout un circuit ordinaire à Mayotte », assure Nathalie Costantini, vice-recteur de Mayotte. De quoi faire vibrer les micros des journalistes présents à la conférence de presse de présentation du projet académique 2016-2019.
Et pour ce qui est des résultats du Bac, la vice-recteur ne conteste pas que les notes soient relevées, « mais elles sont harmonisées partout en France, et dans tous les concours de la fonction publique », rajoute-t-elle, « relever à 10 une note du Bac qui est à 9,5, ce n’est pas grand chose, on est sur de l’humain. »
Pourtant, la problématique de l’éducation est réellement centrale à Mayotte, à tel point que le député-maire réunionnais Patrick Lebreton, en avait fait sa 14ème préconisation d’un rapport sur l’emploi, qui demandait de « mettre en place un plan d’urgence pour redresser le système éducatif à Mayotte. » Et nos bacheliers, tout frais émoulus, ont toutes les peines du monde à intégrer ensuite un cycle d’étude, « là aussi, ils sont 50% à échouer en 1ère année en métropole », rappelle la vice-recteur. Oui mais à Mayotte, ils sont 90%…
Mayotte se rapproche du niveau scolaire guyanais
Il y a donc problème et Nathalie Costantini le reconnaît. Et évoque les primo arrivants à Mayotte, dont certains ne maitrisent pas la langue : « On ne peut pas comparer nos chiffres avec la métropole, lorsqu’on inclut en cours d’année des jeunes qui viennent de territoires où certains n’ont jamais été scolarisés. » Une situation comparable avec celle de la Guyane, « d’ailleurs, notre niveau tend à se rapprocher de ce département, qui a pourtant 65 ans de départementalisation derrière lui. »
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes: « Par rapport à nos estimations, nous avons eu 4.200 élèves en plus à la dernière rentrée 2015, également répartis dans les premiers et second degré. »
Des élèves qui étaient jusqu’à présents pris en charge par des structures alternatives, mais sans vraie structuration. « Nous devons dans ce cas déroger au programme pour pouvoir scolariser des jeunes qui n’ont pour certains, jamais été sur les bancs de l’école ».
Pédagogie pour les élèves ne maîtrisant pas la langue
Et la vice-recteur annonce la mise en place d’un CASNAV, un Centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs, doté d’un poste de coordonnateur, et deux inspecteurs, des premier et second degrés. Il s’agit d’un accompagnement personnalisé, et différencié en fonction du problème du jeune.
Jusqu’au CE2, et comme c’est le cas actuellement, les enfants nouvellement arrivés seront en classe ordinaire, mais accompagnés d’une quarantaine de professionnels « 23 équivalents temps plein, psychologues, et maître E. Jusqu’à 8 ans, ils ont une forte capacité d’adaptation. »
C’est pour les plus grand que cela va changer : «Dès le cycle 3, chaque enfant sera testé au sein du CASNAV, et sera orienté en fonction. » Toute note entre 10 et 15 sur 20, lui permettra d’intégrer une UPE2A, Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants, de niveau 2, où il travaillera la langue lorsqu’il n’est pas en classe. Entre 6 et 10, le jeune sera dirigé vers une UPE2A de niveau 1, « avec un travail plus approfondi de la langue, et des inclusions progressives en classe ordinaire », qui reste l’objectif essentiel du dispositif.
L’école de A à Z pour un premier contact
Au regard du nombre de nouveaux arrivants, 1.984 dans le premier degré cette année, et 1.500 dans le second, « nous allons vite avoir un problème de nombre. » Le passage d’un niveau à l’autre peut se faire entre deux vacances scolaires, « il n’est possible de rester dans la même structure que sur deux périodes. »
Ceux qui obtiennent moins de 5 au test, « qui n’ont jamais été scolarisés », seront pris en charge par un nouveau dispositif en partenariat avec les communes. Qui leur expliquera le fonctionnement de l’école de A à Z : « Il s’agit d’un accompagnement éducatif pendant le temps scolaire ou les périodes de vacances et les week-ends, pour un travail sur quatre domaines précis, et avec l’engagement et la présence du référent parental : L’apprentissage de la langue, la compréhension du système scolaire, la pratique sportive et la pratique culturelle. »
Une action financée par le vice-rectorat, en concertation avec la politique de la ville. Les municipalités devront recruter des animateurs « que nous rémunèreront », et mettre des locaux à disposition. Les maires avaient d’ailleurs tous répondu présent lors de la présentation du CASNAV.
Un dispositif qui devrait éviter de perturber la scolarité en cours des élèves, et aux nouveaux d’être noyés dans un système qu’ils ont du mal à appréhender.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte