CARNET DE JUSTICE DU JDM. On attendait l’affaire qui avait réuni le Collectif de Chiconi, une grosse délégation de bouénis du village. Ces femmes étaient venues soutenir Zalifa Assani qui, lasse des violences engendrées par les jeunes, avait fait fermer d’autorité un débit de boisson. La propriétaire avait déposé plainte. Mais l’affaire était renvoyée pour cause d’absence de la principale protagoniste pour cause de barrages, indiquait son avocate.
L’affaire du policier de la PAF qui avait dégainé et tiré lors d’une altercation lors de violences routières, était, elle retenue, après avoir été renvoyée deux fois.
Le 4 février dernier, un peu avant 6h du matin, B.M. part de Dembéni à bord de sa 301 pour amener sa belle sœur qui part travailler. Dans le deuxième virage après la sortie de Dembéni, il se range sur la droite pour prendre un auto-stoppeur, collègue de sa passagère. Au moment de redémarrer, il constate qu’un Duster noir le double, il accélère, parvient à rester devant et immobilise sa voiture en travers de la route. Le Duster le percute à l’arrière gauche.
«Ne t’approche pas ou je tire !»
Enervé, B.M. se dirige vers le conducteur pour demander des explications, mais l’autre remonte sa vitre, verrouille la portière. Ce qui décuple sa colère, puisqu’il s’acharne sur la vitre qu’il veut briser. Calfeutré à l’intérieur de sa voiture, S.S. dit avoir montré sa carte professionnelle, il est policier aux frontières. Il sort un pistolet de sa sacoche, qu’il pose sur sa cuisse.
B.M. retourne dans sa voiture pour… chercher un marteau et un couteau de cuisine, et empoigne S.S. par le col, qui a finit par sortir de sa voiture. Il le frappe contre divers véhicules. «Ne t’approche pas, ou je tire», finira par crier S.S. après avoir été étranglé. Le tir part effectivement, il vise la jambe.
Lorsque les gendarmes arrivent ce matin là, ils découvrent B.M. allongé sur le sol, une douille de 9mm sur la chaussée prés de lui.
B.M. est impulsif, il ne le cache pas, mais il conteste avoir vu la carte professionnelle et nie avoir donné des coups: «J’ai essayé de casser sa vitre, et ensuite, quand il m’a menacé de tirer, je lui ai dit ‘je vais te donner une raison valable’», retrace-t-il devant le juge. Pourtant, les témoignages concordent sur les coups portés à S.S., «par quelqu’un de très énervé» : un chauffeur de taxi est intervenu pour crier ‘vous êtes en train de le tuer’, et vous lui avez répondu ‘sortez de là, sinon je vous tue vous aussi’», rapporte le juge Banizette.
Kwezi et Mayotte 1ère en guise de secours
S.S. indique avoir sorti son arme et tiré parce qu’il a eu peur. «Je l’ai supplié par la suite d’arrêter de me faire mal. Je pensais que quelqu’un autour allait appeler la gendarmerie, mais les gens ont appelé Kwezi FM et Mayotte 1ère!»
Cette arme, il a pu la conserver en dehors de ses heures de service en raison de l’état d’urgence. Il a 15 ans de service, est très bien noté.
Pour le procureur Joël Garrigue, ce dossier est à la fois particulier, «parce qu’il a impliqué une enquête par l’Inspection générale de la police nationale», et ordinaire, «étant donné qu’on ne peut prouver que le policier s’est identifié au départ, on ne retiendra que de faits de violences routières entre deux hommes.» Il reprochait que dans ce département, on veuille respecter la tranquillité des gendarmes au point de ne pas les prévenir en premier, mais S.S. s’abritera derrière le peu de réactivité quand c’est le cas.
« Cerise sur le gâteau ! »
Pour le magistrat, il n’y a qu’un fautif, B.M. «qui est l’élément déclencheur». S.S. n’a pas de son côté agi en légitime défense, «la réponse n’est pas proportionnée, puisqu’il n’était plus armé de couteau et de massette lorsque vous avez tiré.» Il reproche donc deux violences avec arme partagée, et requiert 9 à 12 mois avec sursis pour chacun d’entre eux, «et l’annulation du permis de conduire pour B.M.»
Pour Me Andjilani qui le défend, cette annulation «c’est la cerise sur le gâteau après une instruction qui a été menée par des gendarmes et l’IGPN, en préservant S.S. du fait de sa fonction.» Deux hommes qui n’ont pas été jugés sur un même pied d’égalité selon lui, «mon client aurait pu mourir par cette balle, dont il reste encore des fragments dans sa cuisse selon les médecins», appuie-t-il. Il demande donc des expertises supplémentaires et un renvoi sur intérêts civils, pour que son client puisse être dédommagé.
Un « lol » réprouvé
«S.S. était bien dans l’exercice de ses fonctions, car un policier doit pouvoir intervenir en cas de danger, aussi bien quand il est lui-même menacé», défend Me Hessler, son avocat. Il jouait gros, pour empêcher toute inscription au B2, un casier judiciaire n’étant pas la meilleure promotion pour la carrière d’un policier. Il avançait la menace de mort de la part de B.M. et invoquait la légitime défense, «même s’il n’y a pas simultanéité des faits, il a tiré quand il a pu le faire.»
Il plaidait également l’excuse de provocation, qui accuse une personne en difficulté lorsqu’elle en est la cause, mais qui n’existe plus dans notre droit pénal. Lorsque Me Andjilani demandait le remboursement de 1.000 euros pour frais d’avocat, son confrère lui répondait par un «lol», qui n’aura pas spécialement plu au juge Banizette…
Il condamnait B.M. a 6 mois de prison avec sursis, et S.S. de 10 mois avec sursis, avec dispense d’inscription eu B2. Un soulagement pour le policier.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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