Dès ce mercredi matin, le capitaine Chamassi a contacté les adultes référents des villages de Doujani, Cavani et une partie de Mandzasoua, certains parents et 15 jeunes délégués: « Cinq de chaque village, les plus virulents d’entre eux. » Il a embarqué tout ce petit monde à 14h dans son véhicule personnel, direction le manguier de la pointe Mahabou, idéal pour palabrer: « Au long de la discussion, ils ont compris qu’ils étaient, souvent malgré eux, poussés à s’agresser entre eux. »
Ils sont notamment revenus sur les faits qui ont créé la guérilla urbaine que l’on a connue. Au départ, c’est un jeune de Doujani qui s’est fait voler son portable,et s’est rendu au commissariat pour déposer plainte en présence de ses parents. Une plainte qui a du être noyée dans la masse, et le jeune a eu vite fait de décrier l’efficacité de la police et de basculer dans le règlement de compte que l’on sait. Doujani contre Cavani, et habitants et véhicules en ont fait les frais, « poussés par quelques adultes qui ont aiguisé leur colère en les montant les uns contre les autres », traduit Chamassi, les échanges se faisant en shimaoré.
« La force reste à la loi »
S’apercevant de cette manipulation, ils ont débattu, « ils ont fini par se serrer la main », et ont échangé leur numéro de portable, « pour casser dorénavant les éventuelles rumeurs de vengeance ». Et en se quittant, se sont jurés de tout arrêter à partir de ce soir.
Certains ont essayé de négocier l’arrêt des poursuites judiciaires, « la force reste à la loi », leur a répondu Chamassi, « tous ceux qui ont cassé des véhicules doivent s’attendre à une sanction ferme », leur promettant d’être le premier à les interpeller s’il le fallait.
Mieux, un parent a invité l’ensemble des jeunes à participer au hishima de leur fils, « sorte de cérémonie avec des cadeaux », et ils se sont ensuite ramenés mutuellement dans les villages, « ils discutaient comme s’il ne s’étaient rien passé », s’étonne Chaharoumani Chamassi.
Mais il ne savait pas que sa journée n’était pas finie… Lorsque les jeunes de Mandzasoua sont rentrés chez eux, certains ont manifesté leur mécontentement de ne pas avoir été convié, le capitaine de police y est donc reparti, pour se lancer dans de longues explications devant 200 jeunes, qui ont fini par prier un doha ensemble pour sceller leur entente.
Chamassi croise les doigts. Pour l’instant, ce soir, tout est calme du côté de Doujani-Mtsapéré…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte