2015 c’est avant tout pour la Douane une année historique en France (qui comprend donc les outre-mer), sur le plan des saisies d’armes, de cocaïne, de tabac, de contrefaçons : « Nous sommes la police de la marchandise, et devons nous adapter à la libéralisation des échanges, donc à leur accroissement, et à la sophistication croissante des organisations criminelles ».
Et 2015, ce fut une année spéciale, aussi bien en métropole qu’à Mayotte. Pas pour les mêmes raisons : « Nous avons été mobilisés là-bas par les attentats terroristes en tant qu’élément de la communauté du renseignement, et ici par l’adaptation au droit commun avec un travail considérable sur l’octroi de mer. »
En matière de contrôle, la Douanes est essentiellement active sur trois points à Mayotte : l’aéroport, le port de Longoni et les gares maritimes. Nous bénéficions d’outils de repérage, « c’est le cas avec le système ISC qui nous permet depuis le 1er janvier 2014 de cibler un container parmi 1.000 arrivants au port. »
Les bwenis aussi
Contrairement au reste du pays où 1.158 armes à feu ont été saisies, à Mayotte, la Douane sèche, « bien que nous sachons qu’il en circule, notamment en protection. »
Du côté des fraudes, 53 fausses déclarations ont été enregistrées, soit 1,2 million de recettes : « tout se paie en espèces ici, c’est donc facile de ne pas déclarer une vente. Pour les entreprises, nous recoupons le chiffre d’affaire avec la déclaration en partenariat avec la direction des finances publiques. »
La fraude fiscale de 700.000 euros enregistrée par les Douanes provient essentiellement des déclarations d’octroi de mer, « parfois de simples erreurs lorsque ce sont des petits commerçants, nous récupérons juste le dû, sans amende. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il y a modification du code d’exonération ! »
On se souvient du mouvement de protestation des bwenis lorsqu’elles ont été sommées de déclarer leurs importations : « Je leur ai expliqué qu’à partir de 10.000 euros de marchandises, elles devaient le faire. Mais beaucoup n’ont même pas déclaré leur commerce. Et alors que certains ont des chiffres annuels de centaines de milliers d’euros. »
Cocaïne en métropole, chimique à Mayotte
Le chiffre national vaut d’être donné en matière de stupéfiants, puisqu’il s’agit de 17 tonnes de cocaïne interceptées en 2015, « un chiffre multiplié par un et demi en un an, soit un milliard de pertes pour les filières. » La provenance du tabac de contrebande est essentiellement l’Asie, « avec des compositions nuisibles pour la santé. » Depuis le 1er janvier 2015, l’achat de cigarettes est interdit sur le net.
A Mayotte, c’est la saisie de 2,3 tonnes de tabac de contrebande sur un container destiné aux Comores qui fait le chiffre 2015 : « Il y a peu de stupéfiant ici, c’est le chimique qui retient notre attention. »
Substance qui allie différents composés chimique, d’où son nom, il n’est pas considéré comme stupéfiant. « Nous commençons à être opérationnel sur l’interception de molécules psychoactives, mais le temps de les enregistrer, de nouvelles sont produites et mises sur le marché, depuis la Chine ou la Grande-Bretagne. » Une difficulté majeure quand on sait les dégâts que cause cette substance chez les jeunes.
Contrer le trafic
Pour contrer ce trafic, Denis Giligny affiche un « budget significatif » pour la modernisation de leur équipement terrestre et nautique, « la mise en place d’une équipe de maître chien dédiée, et d’une seconde sur la détection de billet de banque, ainsi que l’achat d’un détecteur de bagages de type RX en contrôle douanier, opérationnel en 2017. » L’entrée de ces molécules se fait par voie postale et de livraison expresse sur notre île.
Mais la Douane n’est pas là que pour dépister et sanctionner, elle collecte aussi pour le compte d’autres institutions, comme l’Etat ou le conseil départemental. A Mayotte, 143 millions d’euros l’ont été, dont 90 millions de recettes d’octroi de mer au profit des collectivités départementales et locales, 11,7 millions d’euros sur le tabac, 4,1 millions d’euro sur les boissons, 8,7 millions d’euros sur les droits de port et 3,7 millions d’euros sur les droits de douane.
A signaler qu’en juin, tous les bijoux en métal précieux fabriqués ici pourront être estampillés garantie-or.
Contrôle de détournement de carburant détaxé
Ils sont 93 agents à travailler pour la Douane à Mayotte, dont 25% de femmes, « j’ai obtenu 3 emplois en plus depuis 2013, alors que les effectifs nationaux sont en restriction. » Mais plus de la moitié sont de catégorie C qu’il va falloir former.
Des agents armés qui sont mobiles maintenant, « ils peuvent contrôler des taxis, ou autres, » et vont être amenés cette année à contrôler les détournements de carburant de pêche détaxé.
Aux côtés des autres moyens nautiques de l’Etat, ils participent à la lutte contre l’immigration clandestine, « avec 13 kwassas saisis sur les 500 interceptés par an ». 13, c’est déjà leur chiffre pour ce début d’année 2016… Un signe que la Douane s’est mise en ordre de marche. Avec on l’espère une réussite au rendez-vous sur le chimique.
Une nouvelle qui va réjouir les festifs : « L’importation de fusées pour feux d’artifice est officiellement autorisée à Mayotte. Nous sommes un département, non ?! »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte