Le drame a eu lieu il y a 22 ans aux Rwanda. Ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire. Pendant 100 jours, il est aussi celui qui a compté le plus grand nombre de morts pour chaque journée. Des records terrifiants: L’ONU estime qu’environ 800.000 Rwandais, en majorité Tutsis, ont perdu la vie durant ces trois mois.
La cour d’assises de Paris va se replonger dans l’horreur, le temps d’un procès, le 2e organisé en France concernant ce drame et probablement le 2e d’une longue série visant des ressortissants rwandais installés en France.
A la barre, deux hommes, anciens maires de Kabarondo au sud-est du Rwanda du pays, vont devoir répondre de génocide et de crime contre l’humanité. A Mayotte, on se souvient d’Octavien Ngenzi. C’est en effet dans notre département qu’il a été arrêté, au moment où beaucoup de Rwandais arrivaient pour demander l’asile, avec des histoires personnelles terribles et après être passés par le Congo, la Tanzanie et les Comores… Avec de lourds secrets aussi parfois.
Un dossier de demande d’asile suspect
Né en 1954, Octavien Ngenzi faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international, lancé par Kigali en avril 2009. La justice rwandaise le suspectait d’avoir personnellement dirigé et ordonné plusieurs massacres dans sa province de Kibungo en 1994. Il est question en particulier d’une effroyable tuerie, dans l’église de Kabarondo, où près d’un millier de Tutsis ont trouvé la mort.
Son arrestation est intervenue à Mayotte le 3 juin 2010. Après un signalement du préfet de l’époque lié à un refus de demande d’asile et un article du journal «Le Parisien» qui signale la présence de l’homme à Mayotte, le procureur Marc Brisset Foucault déclenche précipitamment l’arrestation du présumé génocidaire. «Si nous n’avions pas agi rapidement en l’arrêtant, il aurait eu le temps de fuir», déclare le procureur à l’époque.
Repérés dans la masse des réfugiés
Son dossier de demande d’asile avait pourtant été déposé sous un faux nom. Octavien Ngenzi s’était présenté sous l’identité de Jean-Marie Omar, un dossier visiblement insincère retoqué par l’Office Français de Protection des réfugiés et Apatrides (OFPRA). Et c’est la procédure en appel qu’il avait lancé qui a causé sa perte. A son tour, la Cour nationale du Droit d’Asile (CNDA) étudie son cas et alerte le préfet.
Le second accusé a été interpellé à Toulouse. Aujourd’hui âgé de 64 ans, il était au Rwanda le directeur local d’Electrogaz. Lui aussi pourrait être responsable du massacre de plusieurs centaines de Tutsis en quelques jours. Et comme Octavien Ngenzi, il espérait se fondre dans la masse des réseaux d’amitiés et de soutiens qui s’étaient alors organisées dans le sud de l’hexagone.
Il avait été arrêté une première fois avant d’être remis en liberté sous contrôle judiciaire. Mais les investigations avançant, la justice décidait de sa réincarcération le 3 avril 2013.
Espoirs et inquiétudes
Dans un communiqué commun, la fédération internationale et la ligue des droits de l’homme (FIDH et LDH), la Licra (ligue contre le racisme et l’antisémitisme) et l’ensemble des parties civiles se félicitent de l’ouverture de ce procès, «qui marque, deux ans après celui de Pascal Simbikangwa, une nouvelle étape importante dans la lutte contre l’impunité des auteurs du génocide.»
En octobre 2008, Pascal Simbikangwa avait été, lui aussi, arrêté à Mayotte. Il a été condamné à 25 ans de prison le 15 mars 2014. Mais la différence entre les deux procès, résidera dans «le retrait» de la représentante du parquet du pôle spécialisé Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre du tribunal de grande instance de Paris.
Huit semaines pour une vérité
«Elle ne soutiendra donc pas l’accusation aux côtés de l’avocat général, comme cela avait été le cas lors du précédent procès de 2014», s’inquiètent les parties civiles.
«Nous nous interrogeons sur les raisons d’une telle situation, dont nous espérons qu’elle ne marque pas un changement d’orientation du parquet dont les réquisitions écrites ont grandement contribué au renvoi des accusés devant la Cour d’assises».
Les avocats des deux hommes, Philippe Meilhac et Françoise Mathe, ont répété à la presse métropolitaine que leurs clients «nient toute participation aux massacres» et soulignent les «nombreuses contradictions des témoins qui les accusent».
Le procès doit durer huit semaines.
RR
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