Mais pourquoi en est-on encore à attendre le démarrage d’un secteur économique dont on nous promet richesse et création d’emplois? A Mayotte, l’économie sociale et solidaire (ESS) n’est plus tout à fait sur les starting-blocks, mais elle peine à démarrer. La cause est à trouver du côté de l’encadrement réglementaire qui n’est toujours pas en place. Le conseil des ministres du 6 avril dernier a bien adopté l’ordonnance qui permet de transposer les dispositifs à Mayotte. Mais le décret n’est toujours pas sorti.
«Il est attendu par tout le monde», confirme le président de la fédération nationale de l’économie sociale et solidaire (COORACE). Pierre Langlade est venu passer 3 jours à Mayotte la semaine dernière avant de repartir chez lui, à Salon-de-Provence. Là-bas, il est lui-même à la tête d’une structure de l’ESS, impliquée dans l’insertion par le travail, les services à la personne et même la reprise d’entreprises. «Un de nos objectifs est de permettre à chaque citoyen de (re)trouver un emploi, un travail et finalement une place dans la société», explique-t-il.
Une ambition immense qui serait à portée de main, en particulier à Mayotte. «Je suis venu sans a priori, sans écouter tout ce qu’on peut entendre sur Mayotte, pour ne pas me laisser influencer. Et finalement, j’ai découvert un potentiel fabuleux… réellement fabuleux», affirme-t-il.
Déjà des initiatives
Et Pierre Langlade de se lancer dans la liste de ce qui existe déjà sur Mayotte et qui n’aspire qu’à se développer. «J’ai vu des initiatives très intéressantes sur le lavage de voiture à sec, la gestion des déchets verts, le travail des tissus… Les trois principales associations intermédiaires (AI) du département (Outsaha maecha, Tifaki Hazi et M’Silcano) sont de vrais laboratoires à partir desquels ont peur faire beaucoup de choses». En effet, ces trois structures rassemblent déjà à elles seules près de 500 employés en insertion par l’activité économique (IAE).
«On peut lancer des structures de services à la personne, sur l’environnement ou l’agriculture, mais tant que le décret n’est pas sorti, ces structures ne pourront pas bénéficier d’avantages fiscaux de l’Etat», explique le sénateur Mohamed Thani Soilihi qui suit de près la création de ce secteur économique à Mayotte. Car l’ESS fonctionne de façon particulière.
La main de l’Etat
La prise en charge partielle des coûts par l’Etat est en effet essentielle pour l’ESS dont les entreprises, les associations ou les coopératives doivent combiner des objectifs pas toujours facile à concilier: solidarité, performance économique et utilité sociale. Les salariés des structures de ce secteur ont également un statut particulier puisqu’ils sont demandeurs d’emploi, l’objectif étant que leur expérience débouche sur un emploi dans l’économie classique ou qu’ils fondent leur entreprise.
Autre frein induit par l’absence du décret, le Chambre de l’ESS ne peut être pleinement opérationnelle tant que le secteur ne bénéficiera pas de ces aides de l’Etat. Elle a bien été créée à Mayotte. Elle aussi attend de pouvoir réellement démarrer.
Des acteurs locaux pour des projets locaux
Le président de la COORACE n’a pourtant pas attendu pour donner des objectifs aux acteurs du jeune secteur. «La première chose à faire, c’est un repérage de tout ce que se fait déjà en ordre dispersé ainsi que des acteurs qui ont envie de s’impliquer dans cette économie», explique Pierre Langlade. «Et surtout, il ne faut pas essayer de transposer ce qui se fait ailleurs ou attendre une logique descendante. Ce secteur ne prendra tout son sens que si des acteurs locaux s’investissent, créent, structurent des activités pensées à Mayotte pour Mayotte».
Et pour lui, cette structuration du secteur est nécessaire et doit être rapide pour pouvoir capter les fonds européens qui favorisent ces initiatives… à condition d’être en capacité de construire les dossiers. «Bien sûr Mayotte part de loin, mais elle peut avancer très vite, sauter des étapes, à condition de s’appuyer sur les volontés locales».
Des réussites à portée de main
«Je suis venu essayer de donner un peu de visibilité à ce secteur pour que la population comme les élus ne passent pas à côté d’une filière dont l’utilité pour Mayotte peut être très importante». Il espère d’ailleurs, que les élus auront entendu le message et incluront bientôt des clauses dans les marchés publics pour favoriser des recrutements de salariés issus de l’ESS.
«Les élus et l’Etat ont des responsabilités. La COORACE aussi, pour faire en sorte que les choses avancent vite». Depuis Salon-de-Provence ou Paris, Pierre Langlade va donc continuer à suivre le déploiement de l’ESS à Mayotte, par les équipes locales. Il promet de revenir dans un an au plus tard, pour, à nouveau, guider les énergies et constater, sur place, les réussites qui, pour lui, sont à portée de main.
RR
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