C’est une double condamnation des délogements et de leurs conséquences que vient de réaliser la Ligue des Droits de l’Homme. La première est venue de Mayotte, où Assany Mfoungoulie donne une nouvelle vie à la section locale de l’organisation (qui vient également de créer sa page facebook). Hier lundi, sur la place de la République, il dénonçait les agissements «inhumains» de «certains groupuscules d’individus qui n’ont rien compris aux valeurs de la République».
Assany Mfoungoulie regrette «ces exemples de méthodes et de valeurs donnés à nos enfants», même s’il rappelle que «la majorité de la population Mahoraise n’est pas dans cette démarche et ne cautionne pas ces actes malsains et indignes».
Pour lui, «cette situation de crise est la résultante aujourd’hui d’une politique de haine et de xénophobie envers l’étranger», de la part de ceux qui sont «incapables de répondre aux attentes des concitoyens et cherchent des échappatoires».
Les politiques et la politique en cause? Quelques heures plus tard, les mots en provenance de Paris vont faire écho à ceux entendus sur la place de la République à Mamoudzou.
Le retour de boomerang
Car la deuxième condamnation est arrivée de la LDH nationale. «Nous avons un groupe dédié à Ligue des droits de l’homme en national qui suit la situation», confirme Pascal Nicolle, membre du comité central et co-animateur du groupe de travail Outre-mer.
«Comment peut-on se faire justice soi-même, en France, en l’absence de réaction des élus locaux et de la préfecture alors que chaque opération est annoncée?» demande Pascal Nicolle avec une certaine sidération.
La Ligue a diffusé un communiqué commun avec «Migrants d’Outre-mer», un texte destiné «à faire foi» et à marquer clairement et durablement le positionnement de la LDH face à cette crise. Le titre de cette tribune: «Le retour de boomerang d’une politique depuis longtemps inacceptable».
Des inégalités criantes
«À Mayotte, la violence sociale dénoncée est bien réelle, mais ces mouvements se trompent de cible. Les personnes étrangères y sont devenues les boucs-émissaires d’une situation économique et sociale désastreuse résultant d’une politique discriminatoire à l’égard de tous les habitants de l’île.
Cinq ans après sa départementalisation, Mayotte subit encore un régime d’«infra-droit» social et économique. Ce 101ème département français souffre d’inégalités criantes vis-à-vis de la métropole, et ce dans tous les domaines», constate la LDH, rappelant le mouvement social du mois dernier.
«Quant aux étrangers qui vivent à Mayotte ou qui tentent d’y entrer, ils subissent eux aussi un «infra-droit» qui les prive des garanties juridiques qu’ils auraient en métropole et qui permet notamment chaque année 20.000 expulsions expéditives.»
Des mots et bientôt des plaidoiries
Et comme tous les observateurs de ce mouvement, la LDH s’inquiète de la suite. «Les événements en cours risquent de n’être que les préludes à des atteintes plus graves aux droits et à la sécurité des étrangers vivant à Mayotte si aucune solution n’est apportée à cette situation sociale et économique désastreuse. L’action des forces de l’ordre et le discours des autorités ne doivent pas permettre de conforter ces agissements illégaux par un amalgame intolérable entre ‘immigration’ et ‘délinquance’, mais les empêcher et les condamner fermement».
Les mots sont posés et les actes ne devraient plus tarder. La Ligue des Droits de l’Homme prépare en effet le passage de ces événements de la rubrique «société» à la rubrique «justice».
«On essaie de regarder les possibilités juridiques que pourraient avoir les familles pour obtenir satisfaction. On accumule les pièces sans savoir jusqu’où on va aller», explique simplement Pascal Nicole.
Des plaintes à venir
Selon les avocats contactés par le JDM, deux types d’actions en justice pourraient s’enclencher: d’un côté, il s’agirait de faire valoir les droits des personnes «décasées» à obtenir un traitement convenable, un retour dans des logements et d’éventuelles réparations. De l’autre, les actions en justice pourraient mettre en cause les pouvoirs publics -les maires et l’Etat- pour ne pas avoir exercé leur pouvoir de police comme le leur impose la loi.
Ces actions pourraient même prendre la forme de procédures rapides, en référés.
Chacun fourbit ses armes juridiques après les délogements d’il y a huit jours, alors que plusieurs plaintes ont déjà été déposées pour les premiers «décasages» intervenus il y a un mois à Poroani et Chirongui.
Et si la LDH se prépare pour une éventuelle bataille au tribunal, elle n’est pas la seule. D’autres associations, comme par exemple le CRAN (conseil représentatif des associations noires de France), envisageraient également de mettre en cause certaines responsabilités et de faire valoir le droit.
RR
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