Cet homme de 49 ans, arrivé avec son épouse, « sans nos enfants qui volent de leurs propres ailes », dit avoir attrapé le virus de l’Outre-mer au travers de ses différents postes qui l’ont amené à assumer le poste de SGAR en Guadeloupe, et secrétaire général de la préfecture de Guyane.
C’est donc un pur produit préfectoral et d’expérience qui arrive à Mayotte, même s’il n’a pas l’air d’être homme à en rajouter : en réponse à leurs questions, les journalistes avaient droit à deux ou trois phrases concises.
Il annonce deux autres spécialités, la gestion des collectivités locales, utile pour les échanges avec les politiques locaux, et les affaires européennes, lui qui arrive tout droit de la représentation permanente de la France à Bruxelles, là encore, son expertise sera utile dans un département qui s’est réveillé européen il n’y a pas si longtemps.
« Une intervention proportionnée des gendarmes pour les ‘décasages’ »
« Mayotte, ce n’est pas une découverte totale pour moi, bien que mes deux séjours furent brefs », en 1997 avec Jean-Jack Queyrane, « j’avais alors rencontré Younoussa Bamana », et en 2009, avec François Fillon, dont il fut un conseiller.
Il veut se définir par deux mots, « humilité et détermination », et s’en explique : « L’humilité parce que je mesure l’ampleur de la crise qui touche Mayotte, les attentes et la demande de dialogue de la part des élus, et la détermination, pour prendre à bras le corps la situation actuelle et pour rester dans l’esprit du pacte Républicain. »
L’application de la loi d’un côté, tout en dialoguant, même s’il précise que dialogue ne signifie pas faiblesse, pourrait ressembler à un oxymore dans certaines situations. Et celle des décasés en est une.
Compte-t-il empêcher les futurs « décasages » illégaux par l’intervention des forces de l’ordre ? La réponse sera mitigée : « Les décasages doivent cesser, mais il y aura une intervention proportionnée des forces de gendarmerie. Il ne faut pas que ce soit prétexte à accroitre les troubles à l’ordre public. Je compte sur un dialogue des maires avec les habitants, comme ce fut le cas le week-end dernier. Mais ce n’est pas facile, les maires sont en première ligne. »
La Légion sur l’îlot Mtsamboro
Quant à la situation des personnes qui vivent en camp provisoire sur la place de la République, elle ne va pas s’améliorer comme par miracle, « mais par l’examen de leur situation individuelle, depuis hier matin même. Les étrangers en situation irrégulière seront éloignés, les examens de carte de séjour en cours seront accélérés et les attestations d’hébergement contrôlées. Avec toute l’humanité nécessaire. »
Les preuves de son action iront bien au delà puisqu’il annonçait l’implantation sur l’îlot Mtsamboro, point de chute des kwassas d’immigration clandestine, d’un peloton de la Légion étrangères, dès hier mardi. Sa première grande décision. Il appelle en retour que « l’esprit des expulsions cesse. » Des contrôles se poursuivront à terre, « en particulier dans la barge ».
Autre, et premier grand chantier de son action, la sécurité des habitants, en rappelant la phrase de Manuel Valls : « Mayotte est victime d’un niveau de délinquance inquiétant. » En citant ainsi le premier ministre, le préfet met des mots sur les maux, ce qui ne pourra que rassurer une population fatiguée d’entendre parler de sentiment d’insécurité, quand ses déplacements nocturnes peuvent être sanctionnées par des jets de pierres.
Détection des plaques d’immatriculation
Pour l’instant, pas de nouvelles du Plan de lutte contre l’insécurité du ministre de l’Intérieur annoncé pour ce mois ci, « il ne devrait pas tarder et nous allons déjà travailler dès la semaine prochaine avec son outil de gouvernance qu’est l’Etat major de sécurité. Mais j’ai besoin de tranquillité publique pour cela », met-il en garde. En matière de prévention, le préfet est favorable à la vidéosurveillance, et à la détection électronique des plaques d’immatriculation.
Un exemple pratique lui a été donné : le village de Tsoundzou, au prise avec de jeunes délinquants depuis quelques jours. Un dossier qu’il connaît visiblement moins, mais il appliquera un axiome, « il faut regagner du terrain. »
Rétablir une bonne image de Mayotte
Son troisième axe de travail, le développement économique et social, l’engagera à vérifier que les crédits européens soient dépensés en temps utiles. C’est son domaine, moins celui de son probable futur SGAR, Jean Almazan, « mais des chantiers comme l’hôpital de Petite terre ou l’assainissement sont validés, c’est moins évident pour la restructuration du port de Longoni. »
Concernant le travail à mener avec l’Union des Comores, l’Etat français attendait que soit validé l’élection présidentielle, mais lui qui fut diplomate jusqu’à il y a encore trois jours, sait parfaitement qu’ « une partie de la solution est aux Comores. » Il confirmera que le fameux kwassa chargé d’armes n’était qu’une rumeur, et se veut rassurant sur les expulsions : « Après un premier communiqué aujourd’hui, un second du ministère de l’Intérieur comorien a confirmé qu’il n’y avait plus de problème. »
Depuis 48h, les interlocuteurs de Frédéric Veau lui vantent une île de Mayotte accueillante. «Ce n’est plus ce que l’on entend dire actuellement ailleurs. Il faut rétablir cette bonne image.»
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte