C’est un jeune désœuvré qui doit répondre de trois chefs d’accusation : « cela fait trois ans que je ne fait rien », avouera-t-il au juge Philippe Ballu qui préside l’audience collégiale. « De quoi vivez-vous ? », s’enquiert-il-« De bricoles ? »-« Régulières ? »-« Oui ».
Il le raconte sans difficulté, mais sans arrogance : « J’étais alcoolisé depuis la veille, et, en me réveillant, j’ai bu 8 bières, et avec un ami, nous avons ensuite picolé une bouteille de vodka dans la mangrove. » C’est donc dans un état éthylique avancé, « prés de 2 grammes en pleine journée », qu’il arrive devant le collège de Bandrélé, « j’avais entendu qu’une bagarre y serait lancée entre ceux de Dapani et de M’tsamoudou. »
Sur place, il interpelle un médiateur, comble de l’ironie, sur la sécurisation défectueuse de l’établissement, « et alors que vous aviez un couteau dans votre sac ! », relève le juge. La sécurité sera malgré tout efficace mais il donne du fil à retordre au collège : « Une bagarre a éclaté, mais vous dites que ce n’était rien, ‘on faisait les coqs’. Mais vous allez griffer au visage et mordre à la joue gauche le médiateur qui s’interpose, son tee-shirt est d’ailleurs déchiré. » Il mord aussi son binôme plusieurs fois aux poignets.
Leçon de terrorisme
Le principal du collège relate que le jeune tente de pénétrer dans l’établissement à coup de caillassage, et il se fait même interpeller par son prénom : « Il a dit qu’il connaissait ma femme et mon fils, ‘tu vas voir !’, s’est-il exclamé, en mimant du pouce le long du cou, l’intention de trancher une gorge. » M.A. relativisera plus tard, lors de son audition par les gendarmes, « c’est le geste que j’ai vu dans le film ‘Transporteur’ ».
Mais sur le moment, c’est quelqu’un de déchainé qui est interpellé par les forces de l’ordre : « Vous aviez crié ‘je suis djihadistes, je suis allé en Syrie, j’étais dans toutes les mosquées de Mayotte, je vais te tuer’ ! » Le juge le questionne : « Savez-vous où est la Syrie ? », il ne voit pas, « et ce que font les djihadistes ? », il évite. « Et bien, ils coupent les bras, les têtes et commettent des attentats », explique gravement le juge. La classe de terminale L, option droit du lycée Bamana, présente à l’audience, n’en perd pas une miette.
Ne pas perdre la face
M.A. s’explique sans difficulté devant les gendarmes : « J’ai perdu le contrôle avec la boisson. Et j’ai jeté des pierres pour entrer dans le lycée pour montrer aux autres et à ma copine que je n’étais pas une victime. » « Sauf que cela se termine souvent par des coups de couteau, et même par des décès comme c’est le cas depuis le début de l’année », relève le juge.
Cette attitude, le vice-procureur Philippe Léonardo ne la supportera pas et laisse éclater sa colère : « Vous vouliez montrer que vous étiez un homme, c’est ça un homme pour vous ?! Votre copine doit avoir une belle image de vous, quelqu’un qui détruit le travail mené au sein d’un établissement scolaire ! Un homme, c’est quelqu’un qui respecte les autres, surtout devant son petit frère, scolarisé dans l’établissement. Vous avez de la chance de ne pas avoir été jugé en comparution immédiate, car je vous aurais condamné à de la prison ferme ! »
Trois affaires en un mois
Depuis, M.A. fait état de problème familiaux, « je me suis enfui de chez moi la semaine dernière. » Il avouera qu’il a déjà tenté une vaine cure de désintoxication à l’alcool à l’hôpital, sans que l’on en connaisse les conditions précises, son casier judiciaire est vierge.
Pas pour longtemps, « en un mois, trois affaires vous mettent en cause dans des faits de violence. » Deux d’entre elles concernent ses méfaits au collège de Bandrélé, une troisième, moins importante, sera jugée au tribunal de police.
Le procureur avait demandé 10 mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans. Questionné sur son accord pour travailler dans une association, M.A répondra un « oui » massif, comme un soulagement que la justice vienne de donner un sens à sa vie.
Le jugement sera un peu moins sévère : M.A. est condamné à 8 mois de prison avec sursis avec obligation de se soigner, l’interdiction d’approcher tous les établissements scolaires, l’interdiction de détenir une arme, « chombo ou tournevis », l’obligation de se former ou de travailler, et 160 heures de travaux d’intérêt général sur 18 mois. En cas de dérapage, ce sera donc Majicavo : « C’est à la fois une main tendue, et un coup de pied au fesse », résume Philippe Ballu.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte