Le «collectif» de villageois de Chirongui avait prévenu. Dès 4 heures du matin, il lancerait une nouvelle opération contre des Comoriens, en les chassant de leur habitation pour ensuite les détruire. Ils se sont tenus à leur plan. Ce matin, une quarantaine de personnes ont bel et bien mis leur plan a exécution.
«Les gens sont chassés de chez eux comme c’était prévu», déplore membre d’une association, présent sur place qui a reçu des menaces et a préféré se tenir à l’écart pour suivre l’évolution de la situation. Vers 11 heures, une trentaine de personnes avait été chassées de chez elles et au moins 8 bangas détruits, selon des témoins.
Chirongui, Mtsamoudou, Mtsamboro
«Comme d’habitude, les forces de l’ordre sont présentes mais elles ne sont pas assez nombreuses pour contrôler la situation. Les gendarmes discutent avec les membres du collectif mais ils n’interviennent pas directement», indiquent des témoins. De fait, les personnes qui participent aux opérations de «décasagases» ne sont pas organisées en un groupe unique comme c’était le cas jusqu’à présent. Elles ont choisi de se disperser dans le village pour déloger les gens et détruire les habitations en tôles.
Outre le village de Chirongui, des opérations de « décasages » sont également menées à Mtsamoudou et à Ouangani. Dans le nord, à Mtsamboro, un « collectif villageois » d’une quarantaine de personnes a fait le tour du village pour prévenir que des opérations de délogement seraient menées la semaine prochaine.
Des associations s’organisent
Face à cette nouvelle crise, des personnes s’organisent, en particulier des membres du comité de la place de la Républiques, à Mamoudzou, pour tenter de prendre en charge ces personnes qui se retrouvent à la rue. Certaines seraient en particulier placées dans des familles pour parer à l’urgence. D’autres amenées en mini-bus, place de la République.
Il est à noter que toutes les personnes délogées ce dimanche sont en situation régulière, disposant de titre de séjour en règle, selon les témoins. Les étrangers en situation irrégulière avaient quitter Chirongui après l’annonce de ces nouvelles «expulsions».
A Mamoudzou, les associations craignaient que la soixantaine de personnes délogées de Tsimkoura et actuellement installées aux abords du stade de Chirongui ne fasse, elle aussi, les frais de ces nouveaux «décasages».
Contribuer positivement à l’apaisement
Ces nouvelles actions interviennent alors que les condamnations très diverses se poursuivent. Hier samedi, c’est sur le parvis des Droits de l’Homme à Saint-Denis de La Réunion que plusieurs associations se sont rassemblées pour lancer un appel pour le rétablissement de la paix sociale à Mayotte.
Diverses ONG étaient associées à cette démarche comme le CRAN, la FCPE 974, l’association Génération Yakweli, La Cimade Réunion, L’AMR, l’Association Hamahamet Comores Réunion et bien d’autres encore.
Toutes réclamaient «l’arrêt immédiat des violences collectives à Mayotte, le rétablissement de l’Etat de droit, et une paix sociale durable».
«Nous demandons à toutes les forces vives de la société mahoraise de contribuer positivement à l’apaisement, en s’appuyant sur les valeurs d’humanité et de fraternité», a demandé par exemple Isnelle Gouljar pour la Ligue des Droits de l’Homme.
La crainte de l’importation, l’urgence de la coopération
MIhidiori Ali de l’association Génération Yakweli, réunissant des originaires des Comores à La Réunion, a parlé comme il l’aurait fait avec un frère: «Arrête ce que tu fais et tourne ton regard vers ces personnes, ces femmes et ces enfants qui campent à ciel ouvert sur la place de la République en plein cœur du centre-ville, dans la plus grande précarité (…). Ces personnes ont peur de toi. Si tu ne te ressaisis pas, tu risques de perdre à tout jamais ton âme».
Certains redoutaient que de tels comportements soient importés à La Réunion, contre des Mahorais, et viennent mettre à mal son vivre-ensemble.
Plusieurs élus locaux de Saint-Denis semblaient préoccupés et attristés par cette situation de crise. Notamment Faouzia Vitry, conseiller régionale, franco-comorienne, proche de Nassimah Dindar où Gilbert Annette et plusieurs conseillers municipaux. Tous ont parlé d’une sortie de crise par l’élaboration d’un véritable co-développement. «Notre coopération régionale n’est pas à la hauteur, a estimé le maire du chef-lieu. J’ai un peu honte de cette situation. Jean-Paul Virapoullé devait instaurer un groupe de travail, au-delà des clivages politiques, pour infléchir la position de l’Etat sur ce dossier».
RR
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avec le JIR.