Pour le groupe de santé réunionnais Clinifutur qui gère les deux centres de dialyse de Mayotte, l’activité devient très compliquée. A tel point que l’Agence régionale de santé (ARS) vient de donner son accord au transfert «d’une dizaine de patients» actuellement pris en charge à Mayotte vers le centre de dialyse du sud de La Réunion. «Nous avons pris nos responsabilités en prenant des décisions pour assurer la sécurité de nos patients et de notre personnel», explique Jeanne Loyer, la directrice régionale de Clinifutur.
A Mayotte, 150 patients bénéficient actuellement de ces soins très lourds liés à une insuffisance rénale. Ils doivent se rendre en général trois fois par semaine dans le centre installé dans les hôpitaux de Mramadoudou et de Mamoudzou. Et c’est précisément dans la ville chef-lieu que le centre de dialyse a décidé de bouleverser son organisation face aux agressions répétés de ses patients et de son personnel.
«Nous avions 3 séries de dialyses par jour pour pouvoir prendre en charge tous les patients. La dernière débutait à 18 heures et se terminait vers 23 heures. Mais il n’est clairement plus possible de faire sortir les patients et notre personnel à 23 heures dans Mamoudzou», constate Jeanne Loyer, très en colère. Depuis plusieurs mois, elle tente d’attirer l’attention des autorités publiques sur la situation.
Le coût de la sécurité
«Nous avons de nombreuses démissions au sein de notre personnel. Il manque 5 infirmières et 3 aides-soignantes. Quand on trouve du personnel, il s’en va. Les filles ne veulent plus venir travailler, elles ont peur. Nous avons été obligé d’envoyer du personnel depuis La Réunion», s’insurge Jeanne Loyer, même si des questions internes seraient également en cause. Conséquence, le groupe fait face à des coûts très importants: avion, hôtel, frais de déplacement… Tout ce ceci s’ajoute aux investissements pour sécuriser les locaux que le groupe chiffre à 110.000 euros.
Alarmes, sécurisation des réseaux d’eau qui étaient détournés ou encore des locaux de poubelles qui étaient pillés… «Heureusement que nous sommes un groupe solide et que nous pouvons faire face. Mais clairement, ce n’est plus tenable».
Des patients transférés
La 3e série de dialyse a donc été arrêtée à Mamoudzou pour que les personnels soignants comme les patients puissent sortir à une heure où ils ne sentent pas en danger. Résultat, Clinifutur a basculé une quinzaine de patients vers le centre du sud, à Mramadoudou, et «une dizaine» vont donc être transférés vers La Réunion à partir de lundi. La mesure est temporaire, le temps pour le groupe de trouver un nouveau local sécurisé à Mamoudzou pour accueillir cette 3e série de dialyse. Elle n’en reste pas moins très symptomatique de la crise que traverse Mayotte actuellement.
«Je suis en colère parce que nous avons un très bel outil qui fonctionne très bien à Mayotte. Nous disposons par exemple d’un bain d’acide, une technique que nous n’avons pas à La Réunion et que beaucoup de centres n’ont pas encore en métropole. Mayotte dispose de cette technique en premier, nous sommes à la pointe de ce qui existe en matière de dialyse. C’est vraiment dommage».
Un avenir incertain
Le groupe met également en avant les Comoriens sans papier qu’il doit prendre en charge «sans être payé», affirme-t-il. Cela concernerait la dialyse de 18 patients.
Pour autant, à l’heure actuelle, la présence du groupe n’est pas remise en question à Mayotte. Clinifutur souhaite ouvrir un 3e centre dans le nord de Grande Terre et un projet à plus long terme existe toujours en Petite Terre… «A condition qu’on trouve des solutions, et que les choses se calment rapidement», précise tout de même Jeanne Loyer.
RR
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