La nouvelle municipalité de Dembéni a décidé de s’accaparer le concept de «gestion urbaine de proximité» (GUP) et c’est Ongoujou qui sert de terrain d’expérimentation. Car plus que tout autre dans la commune, le village autrefois paisible inquiète. Le quotidien y change, très vite et de façon très préoccupante.
Pour tous ceux qui y passent en voiture, Ongoujou s’est longtemps résumé au marché du bord de route où les clients n’hésitent jamais à se garer en plein virage. Mais c’est aussi désormais l’endroit où des «coupeurs de route» peuvent agresser des automobilistes. Car la population de village évolue à très grande vitesse, avec son lot de misère, et plus encore depuis que de très nombreux décasés sont venus s’y installer. A présent, Ongoujou est scindé en deux villages, qui ne se côtoient pas: celui des maisons en dur, au-dessus du marché, et en contre-bas, Kadjavenza, le quartier des bangas en tôles.
Avant même la crise que nous connaissons, la commune a organisé une première marche exploratoire (un «diagnostic en marchant») en janvier puis une deuxième le 27 mai. Les conclusions ont été restitués et elles sont sans concessions : il y est question d’un village «déstabilisé par l’urbanisation spontanée», de «l’enjeu de gérer l’urgence» et d’assurer «à l’ensemble des habitants la sécurité et l’accès aux services vitaux» comme l’eau. Rien que ça !
Le regard du marcheur
Lors des «diagnostics en marchant*», l’objectif était d’observer, dans le positif et le négatif six points précis: propreté des lieux; état de l’espace public et de la voierie; niveau des équipements, des commerces et des services; le vivre ensemble; l’habitat et enfin la gouvernance (qui fait quoi, pourquoi et comment).
Sur chacun de ces points, la municipalité dispose désormais d’un état extrêmement détaillé, zone par zone. Par exemple, sur la place du village d’Ongoujou qui sert aux rassemblements, la mairie sait qu’il manque l’éclairage, des bancs et qu’il faut repositionner la borne fontaine qui n’est pas au bon endroit… et l’ensemble de la très longue liste de remarques forme un programme d’actions avec des objectifs datés.
Par exemple, la mairie a trois mois pour organiser la fête qui célèbrera l’ouverture de la MJC (elle doit aussi être rebaptisée pour ne pas cibler que les jeunes). Le bâtiment est livré depuis 4 ans mais non ouvert pour cause de commission de sécurité défavorable. Il faut donc, enfin, trouver une solution, en un trimestre.
Sur la vétusté des écoles, l’absence de lieu pour le périscolaire, l’éclairage du stade, l’hygiène et le stationnement sur le marché… à chaque fois, la feuille de route fixe une échéance pour faire changer les choses et améliorer profondément le cadre de vie.
«On n’a pas voulu ça», mais il faut le gérer
Mais le focus principal est fait sur le fameux quartier Kardjavenza, un nom évocateur: Il signifie «on n’a pas voulu ça».
Le quartier s’étant urbanisé spontanément, il est confronté à une absence complète de services, de vrais chemins de desserte et de réseaux avec un nombre d’habitants qui dépasserait actuellement celui du «village traditionnel».
«Les habitations sont collées à des manguiers qui menacent de s’effondrer sur les habitations mais la mairie ne peut pas intervenir. C’est un terrain privé», explique Naouirou Boina, chargé de mission politique de la ville qui travaille sur la programmation des objectifs.
La 1ère feuille de route de janvier avait donné 3 mois à la mairie pour identifier les 2 propriétaires de Kardjavenza et organiser une première réunion avec les habitants et la municipalité. Elle devait avoir eu lieu hier jeudi.
L’urgence pour ne pas que ça craque
Car l’objectif est aussi d’associer le plus grand nombre à ce qui va être fait et donc, en premier lieu, les habitants. Parmi ses objectifs, la mairie doit «établir une représentation des habitants du quartier pour avoir un interlocuteur et des relais», et faire vivre les conseils citoyens et le comité jeune. On évoque aussi la mise en place d’un dispositif «voisins vigilants» qui pourrait associer les deux villages.
«Le lien social entre les deux villages est quasiment inexistant», regrette Naouirou Boina. Mais le rapport note qu’une équipe de médiateurs (PEPS) existe et que la vie associative est «dynamique». L’ouverture de la MJC pourrait aussi être un point de rencontre entre le haut et le bas d’Ongoujou.
La municipalité a désormais toute les cartes en main pour faire en sorte que le village ne craque pas mais, au contraire, devienne l’exemple d’une démarche de politique publique réussie et exportable ailleurs. Et c’est effectivement maintenant qu’il faut agir.
RR
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*La démarche des diagnostics en marchant est une mission financée par le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires), animée par Espacité avec le soutien de la Préfecture de Mayotte et de la Commune de Dembeni