«On a jamais connu ce genre d’événement. Tout le monde à peur», confie simplement un habitant de Tsararano. Les événements survenus dans la nuit monopolisent toutes les conversations mais aussi les spéculations et plus encore, suscitent beaucoup d’inquiétudes. «On se pose beaucoup de questions parce qu’on ne sait pas du tout qui c’est. Du coup, les gens se demandent s’ils les connaissent, s’ils les croisent dans la rue tous les jours…»
La scène s’est déroulée vers 5 heures du matin. Au moins trois individus ont érigé un barrage dans les virages entre Tsararano et Ironi Bé. L’alerte est lancée par une victime à 5h20 et lorsque la gendarmerie arrive sur place, quatre véhicules sont bloqués, deux sont incendiés. Trois personnes ont été conduites au dispensaire de Kahani par d’autres automobilistes. Ils souffrent de coupures et de blessures consécutives à des coups de bâton. Une femme enceinte de trois mois a été placée sous observation.
La gendarmerie a recensé au total une dizaine de victimes et lance un appel à témoins : victimes ou témoins sont appelés à se faire connaître (Deux numéros à appeler: 0639.69.51.96 ou le 0269.61.12.16).
Réunion de crise avec tous les habitants
C’est seulement la 2e fois qu’un tel événement se produit en zone gendarmerie. Les premiers coupeurs de route avaient frappé à Ongoujou, c’était déjà sur la commune de Dembéni. Un seul autre point est connu pour ce genre d’incidents, il s’agit de Vahibé.
Ce jeudi après-midi, le maire de Dembéni Ambdi Hamada Jouwaou a tenu une réunion de crise pour tenter de faire face à des événements qui déstabilisent profondément la commune. «Cette fois, ce n’est pas seulement de la délinquance. C’est la guerre», affirme-t-il sans détour. «Ce ne sont pas des enfants qui ont agi. C’est un véritable commando, qui est organisé, qui a planifié son action».
Pour le maire, il n’y a pas de doute, ce sont des étrangers qui sont responsables de ces événements. Mais pas question de faire amalgames. «Lors de cette réunion, nous avons rassemblés les Mahorais et les Comoriens qui vivent ici en situation régulière, parfois depuis longtemps, et qui sont intégrés, que l’on voit à la mosquée, qui ont un travail. Avec eux, nous allons monter un comité villageois pour travailler pour essayer d’identifier ceux qui ont commis ces attaques et les livrer au procureur et à la gendarmerie.»
Peur que les gens mettent le feu
Mais le maire craint pour le climat dans sa commune. «Il faut que les choses se calment rapidement. J’ai peur que les Mahorais ne soient pas patients et que ça finissent mal. Si l’Etat ne prend pas conscience qu’il faut faire quelque chose très vite, j’ai peur que certains mettent le feu ici. Il faut que l’Etat agisse», insiste Ambdi Hamada Jouwaou.
A l’heure actuelle, malgré les rumeurs, rien ne permet de faire le lien entre les événements de la nuit et la crise des décasés. Mais certains rappellent qu’entre Vahibé et Ongoujou, les chemins à travers les hauts ne sont pas si longs et les deux villages ont accueilli beaucoup de personnes délogées dans le sud. D’autres mettent en avant les messages qui appellent à la vengeance sur les réseaux sociaux.
«Arrêter d’accueillir des gens de l’extérieur»
Et pour le maire, c’est bien de la question de l’immigration dont on parle. Pour lui, il est à présent «temps de freiner» le flux d’immigration vers la commune. «Je dis aux habitants qu’il faut arrêter d’accueillir les gens qui veulent se loger chez eux. On l’a vu à Ongoujou et ailleurs, ça déstabilise les villages.»
Pourtant, Ongoujou et Tsararano s’étaient déjà fait remarquer lors des mouvements sociaux de ces derniers mois avec des épisodes particulièrement violents. C’était avant la crise des décasés. Mais aujourd’hui, face à la peur, tout le monde l’a oublié.
RR
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