«Coupe tes liens mais pas tes racines»: Découvrez les fables du concours d’écriture

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LivrePour cette première édition du concours d’écriture, le vice-rectorat de Mayotte a donné comme thème une phrase de Saint-Exupéry: «On est de son enfance comme on est d’un pays». Libre ensuite aux collégiens et aux lycéens de rédiger une fable ou une nouvelle, individuellement ou en groupe.

La bonne surprise est qu’un très grand nombre de textes a été reçu, «pour la plupart de grande qualité ou témoignant, tout au moins, d’un goût pour l’écriture», indique le vice-rectorat. «Il a fallu trancher et les critères (respect du thème, de la longueur exigée, qualité du style, originalité du propos dans le cadre du sujet, orthographe/grammaire…) ont permis de faire jaillir de belles plumes.»

Le JDM se joint au vice-rectorat pour féliciter l’ensemble des participants et, bien entendu, les vainqueurs. Nous vous proposons de découvrir ci-dessous les fables lauréates de ce 1er concours d’écriture.
Les nouvelles récompensées sont également à découvrir sur le site du Journal de Mayotte.

Voici les fables primées :
-Prix de la fable collective : Lycée Younoussa Bamana, Classe de 2de 9 encadrée par Madame Fransino
-Prix de la fable individuelle : Lycée de Kawéni, Fatouma Maambadi, 2de STHR, encadrée par Madame Chevrant.

 

Vainqueur fable collective :
«Fable de notre époque», Lycée Younoussa Bamana, Collectif 2e 9, Madame Fransino.

SAÏD, Mayotte.
« Reste loin, mais près de moi
Voir le monde n’est pas bon pour toi
Le monde que tu veux n’existe pas
Ne regarde pas loin, il est juste là ! »
Endra bé u si dalé
Zo wadzadé waho wanu soméssa
« Coupe tes liens
Mais n’oublie pas la leçon des anciens. »

 

BACAR, Anjouan.
Mon enfance…
Mère pleure en silence
Père avec les yeux rouges
Il n’y a rien qui bouge
« Sale Anjouanais »
Et moi je rêvais de paix !
Utadjiri kahu lingana na imani bwana
Richesse ne rime pas avec sagesse.

 

BINTI, Mayotte.
On m’a liée à mon île
Accrochée à ma ville
Trop d’honneur et de traditions
Partir ? Une trahison
La liberté m’a été volée
Mais je serai fidèle à ma personnalité
Endra bé u si dalé
Zo wadzadé waho wanu soméssa
« Coupe tes liens
Mais n’oublie pas la leçon des anciens. »

 

SULTAN, Mohéli.
Mère protectrice au doux visage
N’es-tu qu’un mirage ?
Notre enfance embrumée
Est-elle en danger ?
Finies les dérobades
Cessons la mascarade !
Hovodzé gué tso djodo kaya tabiri
Yé tabiri gué tso djodo kaya hovodzé
Ailleurs sera toujours un rêve
Le rêve sera toujours ailleurs.

 

LANDRY, Madagascar.
Être loin de vous
C’est être loin de tous !
Envie de partir
Manques de revenir
Tout laisser et partir
Ou blesser et construire ?
Utadjiri kahu lingana na imani bwana
Richesse ne rime pas avec sagesse.

 

ROUKIA, Mayotte.
«Ne va pas trop loin
C’est pour ton bien
Reste auprès de moi
C’est mieux pour toi
Dehors c’est dangereux
Y a trop de pouilleux
N’approche pas des inconnus
Qui pourraient te mettre à nu »
Endra bé u si dalé
Zo wadzadé waho wanu soméssa
«Coupe tes liens
Mais n’oublie pas la leçon des anciens.»

 

SOIDENTI, Anjouan.
Mon Anjouan où tout est payant
J’ai peur pour mes parents
S’ils se font arrêter
Déporter, exporter
Ne jamais les revoir ?
Je refuse d’y croire
Utadjiri kahu lingana na imani bwana
Richesse ne rime pas avec sagesse.

 

MAMADOU, Tanzanie.
Nous pères, nous mères
Je désespère
Familles parties sous l’eau
Mais pas en repos
Pour trouver une meilleure vie
Et dormir sans lit ?
Partir de tout et finir sans biens
On me dit «C’est mieux que rien»
Mais avec ou sans toi
Je resterai toujours loin de toi.

 

Vainqueur fable individuelle :
«Le canard rend visite à sa cousine»,
Fatouma Maambadi,
(Lycée de Kawéni, 2e STHR, encadrée par Madame Chevrant).

Toutes les paroles gagnent ma préférence mais certains mots mélangent l’innocence.
Le canard qui vient des îles voisines va rendre visite à la poule sa cousine.
Normal ! Car on est de son enfance comme on est de son pays.
Arrivé au village on ne lui fait pas bon usage.
– Bonjour, poule ça va ?
– Va-t’en ! T’es qui toi ? dit la poule avec mépris.
– Tu ne me reconnais pas ? C’est moi ton cousin Ponsard ! répond-il en comprenant le racisme de poulette.
– J’ignore qui tu es et d’où tu viens ! Mais d’ailleurs tu t’es regardé ? Je n’ai pas de cousin semblable à toi, t’as vu ton teint, mais quelle horreur ! Va-t’en et ne reviens plus jamais, crie-t-elle.
Une foule de poules le regarde avec méfiance, tout ça pour un manque de ressemblance. Il va se cacher, et pleure son rejet désespérant.
Au point qu’il regrette son arrivée au village et se culpabilisant, s’effondre davantage.
– Mais que se passe-t-il ? Pour quelles raisons me rejette-t-elle ? Qu’est ce qu’il a mon teint ?

Pourtant quand on était enfant, on jouait ensemble, on faisait tout ensemble, on ne pouvait pas sortir sans l’autre et aujourd’hui elle me méprise à cause de mon teint, se dit le canard.
Je suis ici chez moi dans cette belle île de Mayotte, même si mes parents ont dû me sortir d’ici pour me conduire à La Réunion, pour des raisons que j’ignore. Mais après avoir vécu tant d’années au loin j’ai décidé de venir rendre visite à ma cousine qui, à ce que je vois, s’en fiche de moi : après tout ce n’est pas de ma faute si la sœur de sa mère a choisi un canard pour faire sa vie. Je suis venu au monde en tant que canard, je ne peux rien y changer, se dit-il !

Toutes ces années passées avec ma cousine la poule dans ces mares où l’on pataugeait des heures entières, tous nos fous rires et son beau sourire.
Je voudrais encore m’épanouir à ses côtés dans mes moments de détresse où elle m’épaulait. Sans doute qu’elle a changé mais je sais qu’elle a gardé au fond d’elle un peu d’humanité. Je pense que sa colère mensongère est due à un désespoir éphémère.

Et soucieux comme je l’étais de sa rancœur envers moi, je refis mon chemin patte à patte vers le village car il me fallait savoir ce qu’il lui était arrivé, et même malgré ses rejets et ses reproches je me devais d’accomplir l’exploit de la raisonner. Il lui fallait enterrer la plume de guerre, et sincère comme je suis je me devais d’accomplir le rôle du cousin que je suis.

Et me voilà arrivé à son domaine puis elle se tient devant moi, et je lui fis parvenir à travers mon bec ces mots:
«Oh ma chère cousine n’ayez point de peine envers moi, je suis là, n’ayez point de haine envers moi, car je ne suis pas la cause de vos tracas et vous le savez bien, très bien.
J’ignore si tu es en colère ou pas mais en tant que membre de ta famille je me dois de te raisonner et de te montrer le droit chemin.»

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