C’était l’occasion pour Gamil Kakal, Président du groupe Cananga, de revenir sur le contexte de mise en place de l’aïeul du Medef local. En 1986, lors de sa visite sur notre île, Jacques Chirac, alors premier ministre, promet plusieurs avancées. La desserte directe de la métropole depuis Dzaoudzi, « promesse qui se réalise depuis une semaine », glisse goguenard Gamil Kakal, mais aussi et surtout, la départementalisation, avec sa fameuse expression « sans mettre la charrue avant les bœufs », et « qui passera par l’application des loi Programme pour l’Outre-mer, et Pons. »
Cette année là, c’est le préfet Vochel qui reçoit les chefs d’entreprise : « Et là, c’est la douche froide ! Il nous annonce que Mayotte est bien éligible à la loi Programme pour l’Outremer, sans être pleinement éligible à la défiscalisation. » Seuls les investissements réalisés par les résidents fiscaux de métropole y avaient accès. « Lucien Vochel nous conseille alors de nous regrouper et de devenir force de proposition. »
Le Groupement patronal de Mayotte était né, et le même préfet, même du loin de sa présidence de la Fedom, a assuré un relais, « un indéfectible ami de Mayotte ».
« Attention à la fuite des compétences »
Un message à peine déguisé pour un autre préfet, Frédéric Veau, présent à la cérémonie, envers lequel Gamil Kakal sera ensuite plus explicite : « Je suis certain qu’il s’investira avec la même méthode et avec la même volonté pour prendre le temps de nous écouter. »
Il ne sera pas le seul ce soir là à évoquer les « graves difficultés » que traverse Mayotte, mais se bornera à axer son discours sur la demande de Zone franche globale, « puissant levier du développement de Mayotte », relayant encore une fois la demande du président du Medef Mayotte Thierry Galarme.
Thibault Lanxade n’avait pas besoin d’en voir plus que ces deux jours pour se forger une opinion sur la crise que traverse Mayotte, « et qui nécessite le soutien très fort du Medef national. » Il nous avait dit son inquiétude sur la moitié des entrepreneurs qui envisage de quitter l’île, beaucoup l’ont d’ailleurs déjà fait, laissant un directeur gérer les affaires courantes sur place. A la situation sécuritaire, s’ajoute « les tensions sur les trésorerie » en raison des délais de paiement des collectivités. Celui qui est aussi le fils de l’amiral Lanxad, ancien Chef d’Etat major des armées, réitère : « Attention à la fuite des compétences et des talents. »
Mayotte « aux urgences de la République »
Inquiétude reprise par Thierry Galarme qui rappelait l’émigration des cerveaux des cadres mahorais et mzungus qui quittent l’île, « Mayotte est aux urgences de la République ».
Ce n’est pas pour rien qu’il avait été élu à l’unanimité à la tête du Medef local sur un programme sécuritaire. Thierry Galarme affiche 160 entreprises adhérentes au Medef Mayotte, « et beaucoup d’autres frappent à la porte », glisse-t-il. Il rappelle son action auprès des ministres des Outre-mer et de l’Intérieur, sans succès pour l’instant sur les zones franches globales pour la première, et en tant que partenaire dynamique du Plan sécurité pour le second.
Conditionnés à la réussite du Plan sécurité que devra mettre en place le préfet, plusieurs leviers de développements étaient déclinés : La zone franche globale, « un effort d’environ 60 millions d’euros pour l’Etat », l’arrivée de l’Interim, « avec Proman prêt à s’installer, mais qui a été stoppé net », les syndicats de salariés ayant demandé un temps de réflexion. Des investisseurs sont malgré tout toujours présents dans l’île : « comme Imprimah, Mayco ou IBS ».
La sécurité, « un combat de longue haleine »
Il annonce une « Action logement », « il manque 8.000 logements sociaux rien que sur le Grand Mamoudzou-Koungou. Un investisseur privé est prêt à venir. » La SHLMR de La Réunion serait en effet partante.
Répondant à l’attente générale, le discours du préfet Frédéric Veau était essentiellement sécuritaire, à travers le Plan, « outil important que nous avons commencé à mettre en application avec le procureur », mais tout en avertissant de la difficulté de la tâche, « nous devons en permanence réajuster nos objectifs pour répondre à une situation évolutive. » Et avec, enfin un constat réaliste de la part d’un représentant de l’Etat : « C’est un combat de longue haleine, nous pourrions avoir des jours difficiles, mais nous sommes mobilisés. »
Même énergie du côté du patronat qui n’a pas d’autre choix qu’y croire : « en 1986, nombreux étaient ceux qui prédisaient que nos investissements à Mayotte seraient réduits à néant, et que nous allions être délaissés par Paris », rappelait Gamil Kakal, avec une pensée pour les pionniers Issoufali, Nel, Ballou, Leclerc, Witkowicz, alors que Thierry Galarme espérait une mobilisation collective « pour parler d’une seule voix à Paris », et pour « inciter à un rebond et à un nouvel essor économique. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte