Prenez l’eau et l’assainissement par exemple, « un secteur à forte croissance, et aux enjeux de développement durable qui ne sont pas à démontrer », mais qui souffre, « du manque d’infrastructures alors que les normes européennes sont contraignantes », constate Bénédicte Daubin, en charge des entreprises à l’IEDOM.
Bien que cela ne soit pas visible, nous obéissons en effet à la Directive cadre européenne sur l’eau, dont l’objectif est d’atteindre un bon état des milieux aquatiques en 2015, repoussé à 2021 à Mayotte. Or, si les eaux souterraines sont de qualité satisfaisante, les cours d’eau ne le sont qu’à 26%, et 41% pour les masses d’eaux côtières, en raison des pratiques : « 46,2% des eaux usées sont déversées à même le sol », selon l’INSEE, et « seuls 55.725 habitants sont raccordés au réseau d’assainissement collectif », selon l’IEDOM. La plupart des micro-stations d’assainissement sont toujours défectueuses…
Mobiliser d’autres financements
Une situation qui ne va pas s’améliorer d’un coup de baguette magique européenne, puisque sur les 450 millions d’euros d’investissements nécessaires, seuls 116 millions sont programmés, que ce soit en fonds européens, Contrat de projet Etat région, de l’ONEMA ou des emprunts bancaires. « Il faut mobiliser d’autres sources de financement », conseille l’économiste, qui met en garde sur l’entretien du matériel, « le Syndicat intercommunal de l’eau et d’assainissement ne dégage par assez de marge pour faire fonctionner ses services. »
D’autre part, si le secteur de l’eau potable est bénéficiaire, ce n’est pas le cas de l’assainissement. C’est pourquoi l’ancien président, feu Maoulida Soula, avait émis l’idée de fongibilité des deux budgets.
Yves Mayet en tire une morale : « C’est un secteur emblématique des problèmes d’investissement à Mayotte, du choix du porteur de projet, qui doit être le Sieam, à la manière de consommer les fonds européens. Il faudrait commencer par s’interroger sur le volume d’investissements réellement indispensable pour Mayotte sur ces 450 millions d’euros, car nous n’avons pas, par exemple, de métaux lourds à éliminer ici. »
Une centaine de points de débarquement
Autre focus, un secteur qui devrait porter, avec l’autre jambe qu’est l’agriculture, le développement économique de Mayotte, la pêche, et dans une autre mesure, l’aquaculture. Nous l’avons déjà évoqué, c’est un secteur en crise, et pour plusieurs raisons. Les thoniers senneurs européens tout d’abord, qui écument toujours nos eaux à l’extérieur du lagon, avec une pêche de 2.234 tonnes, « en baisse de 40% en 2015 par rapport à 2013 », mais qui inquiète toujours la Commission des Thons de l’Océan Indien pour sa surpêche de thons albacore, et ses dispositifs de DCP, « cela met en difficulté les pêcheurs locaux », souligne Afidati M’kadara, Chargée d’études Entreprise à l’IEDOM.
Une pêche locale peu structurée, « sur la flottille de 500 barques, 59% sont des pirogues », à relier au faible niveau de formation puisque « seules 150 sont en conformité », selon les Affaires maritimes. La centaine de points de débarquement est essentiellement située en bordure de route.
Transformer le poisson en mine d’or
Quand à la crise de l’aquaculture, secteur qui fut hyper subventionné pour bien peu de résultats, nous n’avons plus qu’à pleurer la fermeture de l’écloserie Aquamay, qu’à constater le rapport de force de la société d’élevage Aqua-Mater avec l’Etat, qui demande des garanties avant d’octroyer une Autorisation d’occupation temporaire, et qu’à attendre que le fonds européen FEAMP soit opérationnel.
Un secteur pêche qui reste donc prometteur, Yves Mayet lui donne même une mention « à fort potentiel de développement », notamment sur la transformation, « qui bénéficiera du label « France », avec tous les avantages douaniers que cela procure. »
Et pour le plus grand régal de la population qui ne demande qu’à diversifier ses achats et qui pourrait même inciter des traiteurs à monter boutiques.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte