Intérieurs vandalisées, vitres brisées, carrosserie impactée… Les véhicules sont une des cibles de choix de la délinquance galopante à Mayotte. Et pour de nombreux automobilistes, l’expérience peut se révéler doublement désagréable: leur voiture, victime de ces dégradations, se retrouve éconduite par les compagnies d’assurance qui ne veulent plus les prendre en charge.
«Je trouve ça vraiment incroyable. Ils n’y sont pour rien, ce n’est pas de leur faute mais ils se retrouvent refoulés par leur assurance». Mikidadi Assani, le président de l’ADUR, l’association des usagers de la route de Mayotte, est très remonté. Plusieurs automobilistes lui ont en effet signalé cette situation. «Ceux qui ont subi deux ou trois bris de glace dans l’année, leur assurance ne veut plus les reprendre». Et aller voir la concurrence ne sert à rien. Le refus est immédiat.
Les assureurs de la place confirment cet état de fait. Au 3e bris de glace dans une période très courte, les compagnies font parvenir aux victimes un courrier leur indiquant que leur contrat d’assurance ne sera pas renouvelé. Ils sont donc contraints de saisir le «bureau central de tarification», un organisme national qui va leur désigner une compagnie d’assurance qui sera contrainte de les accepter moyennant une prime majorée.
Un malus qui ne dit pas son nom
La compagnie est souvent la même que celle qui a rejeté le dossier de l’assuré mais les tarifs, eux, sont bien différents. Cet assureur désigné va en effet appliquer la majoration fixée par le bureau central. En clair, alors que le bris de glace n’entraine pas de malus, ce type de procédure permet aux assurances de facturer des contrats bien plus chers.
«C’est un système très codifié par le code des assurance et qui est valable partout en France», se défend Andjib Abdourraquib, le responsable à Mayotte de Prudence Créole. «Nous devons surveiller notre portefeuille pour être solvables vis-à-vis de nos clients. Si la même année on a 3 bris de glace, le bouton rouge s’allume. C’est une alerte et on doit le signaler. On prévient alors le client des démarches à suivre», explique-t-il.
Et pour les assurés concernés, il ne faut pas traîner car l’ADUR signale que la procédure auprès du bureau central de tarification peut être longue et l’automobiliste se retrouver sans assurance.
Il est possible de demander une dérogation à sa compagnie d’assurance mais les documents et les motivations à fournir ont largement de quoi décourager les assurés refoulés.
Des automobilistes sans assurance
Cette envolée du coût pour les assurés refoulés est loin d’être anodine à tel point qu’elle est mesurée par l’INSEE et l’IEDOM. Car dans le même temps, les assureurs affirment que le coût des assurances à Mayotte n’a que très peu augmenté pour les clients sans sinistre.
Plus de voitures abîmées et des assurances qui n’augmentent pas pour tout le monde, la situation peut paraître paradoxale. Mais l’explication est simple: les automobilistes mahorais ne sont pas tous assurés, loin de là.
C’est en effet une pratique que les phénomènes de délinquance ont permis de mettre en lumière. Ainsi, au moment des violences urbaines de Doujani-Mtsapéré en avril dernier, 189 véhicules avaient été vandalisés. Mais les compagnies d’assurance ont eu la surprise de découvrir que seulement 5% de ces victimes étaient couvertes, selon un assureur. A Mayotte, il serait en effet courant de souscrire un contrat d’assurance pour un an et de ne pas le renouveler…
Résultat, en cas de sinistre, aucune compagnie d’assurance n’est engagée et les tarifs peuvent rester relativement stables.
Sur les dossiers des assurés refoulés, l’ADUR rassemble des éléments et a signalé la situation à des associations de consommateurs. Elle pourrait appuyer les automobilistes qui envisagent de porter l’affaire en justice. Pas sûr pour autant que leurs dossiers puissent aboutir.
RR
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