Au tribunal correctionnel de Mamoudzou, la scène est peu banale ce vendredi après-midi. A l’ouverture de l’audience de comparution immédiate, les gendarmes enlèvent les menottes à un policier qui s’apprête à comparaître.
L’homme, vêtu d’un tee-shirt jaune, a été interpellé mercredi sur la route, à Mtsangamouji, et placé depuis en garde-à-vue. Et s’il travaille en tant que fonctionnaire de police au commissariat de Mamoudzou, il est aussi bien connu des gendarmes et de la justice.
Mercredi, il n’est pas arrêté pas hasard au volant de sa vieille Renault Clio. Deux semaines auparavant, le 28 juin, il a déjà été contrôlé alors qu’il gène la circulation. Il est garé n’importe comment sur le bord de la chaussée. Entendu par les gendarmes, il doit alors justifier une longue liste de manquements, en particulier au code de la route.
Sans permis
Il roule sans assurance, le contrôle technique n’est plus valable depuis 2010, les plaques ne correspondent pas à l’immatriculation du véhicule depuis 2013… Et il n’a plus de permis de conduire!
«Mon permis m’a été retiré suite à un accident», précise-t-il, un accident lors duquel il a été contrôlé positif à l’alcool.
«De part vos fonctions, vous êtes le premier à être intéressé à ce que les gens respectent la loi et vous ne le faites pas», s’indigne le juge Zahi. «C’est vous qui contrôlez les citoyens dans la rue!», rappelle la magistrate. «Je suis dans les bureaux», rectifie le policier… En effet, il ne peut plus effectuer de mission sur le terrain depuis qu’une première décision de justice lui interdit le port d’arme.
Un «danger sur la route»
Car le 17 mars 2015, il a déjà été condamné. Il a écopé de 6 mois de prison avec sursis avec mise à l’épreuve pour… conduite en état d’ivresse. Le tribunal lui avait également infligé 2.000 euros d’amende, une obligation de soigner son addiction à l’alcool, l’interdiction de fréquenter les débits de boisson et donc, de porter une arme. La justice avait également annulé son permis de conduire.
«Dans ces conditions, quand les gendarmes vous contrôlent, pourquoi vous montrer une copie couleur de votre permis? Vous les prenez pour des idiots?» demande la procureur Prampart.
«Pourquoi on vous a retiré le permis?» poursuit la juge. «Suite à un accident…» concède le prévenu. «Oui, parce que vous présentez un danger sur la route!»
Logiquement, le 28 juin dernier, les gendarmes immobilisent le véhicule. Le policier n’a plus le droit de l’utiliser.
Deux petites bières
Ce mercredi 13 juillet, à 15h40, les gendarmes sont donc surpris de voir arriver, roulant comme si de rien n’était, la clio et son conducteur… Le policier revenait à nouveau de son travail, comme il le fait 4 jours par semaine, malgré toutes les interdictions qui pèsent sur lui.
Petit élément supplémentaire, lorsqu’il souffle dans l’éthylotest, le taux d’alcool par litre d’air expiré est inférieur au maximum de 0,25 autorisé mais il est de 0,19. «J’ai bu deux bières. Une avant de partir et une dans la voiture». Pour quelqu’un qui est censé soigné ses problèmes d’alcoolisme et qui a effectué une cure de désintoxication, ça fait mauvais genre.
Au-dessus des lois ou dépassé par les événements
Dans ces conditions, il est facile pour la procureure de dérouler l’argumentaire du policier qui se considère au-dessus des lois. Elle demande six mois de prison ferme mais sans mandat de dépôt, pour pouvoir aménager la peine, un total de 2.075 euros d’amende pour les différentes infractions et l’interdiction de conduire tout type de véhicules pendant deux ans… même un scooter, qu’il aurait pu se résoudre à utiliser pour faire les trajets jusqu’à son domicile.
L’avocate du prévenu, Me Florence Journiac, va tenter de mettre en avant la personnalité du policier, «dépassé par les événements» et «tombé dans un engrenage infernal» sur fond d’alcool. Père de 5 enfants de 4 mères différentes, il doit verser des pensions alimentaires qui s’ajoutent à un crédit de 700 euros par mois pour construire la maison d’une femme dont il est séparé. Elle tente, en vain, de convaincre le tribunal de lui donner une occasion à de prouver qu’on peut lui faire confiance en lui accordant une nouvelle mise à l’épreuve.
Six mois, il part en prison
Mais le tribunal ne l’entend pas de cette oreille. Il va même au-delà des réquisitions de la procureure. Le policier est condamné à 6 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, à 500€ d’amende pour le défaut d’assurance, 100€ pour défaut de contrôle technique, 75€ pour les plaques d’immatriculation et 400€ pour ne pas avoir respecté l’immobilisation du véhicule, la fameuse clio qui est par ailleurs confisquée.
«Ce n’est pas parce qu’on est policier qu’on doit être condamné plus lourdement que les autres», s’indigne Me Florence Journiac. Surprise de la sévérité de la décision, l’avocate annonce que son client va faire appel.
RR
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