Le CHM se dote d’un service de médecine légale

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Le Docteur Stephan Jammart à l'origine du service de médecine légale du CHM
Le Docteur Stephan Jammart à l’origine du service de médecine légale du CHM

Pour un hôpital, la création d’un nouveau service est toujours un petit événement. Et celui qui vient de voir le jour au centre hospitalier de Mayotte est particulièrement important. Depuis le début du mois de juillet, le docteur Stéphan Jammart est à la tête du tout nouveau service de médecine légale du CHM.

«Avant, différents médecins pouvaient intervenir et réaliser des expertises», explique le médecin. «Un pédiatre de garde assurait les examens qui concernaient les enfants, un gynécologue de garde traitait les cas d’agression sexuelle. Et les autopsies étaient effectuées par des légistes de métropole. On prenait les compétences un peu partout.» Au final, la médecine légale était donc éclatée.

Une spécialité particulière

«Je pensais que ça serait important de créer un dispositif centralisé et avec des professionnels formés à cet exercice particulier qui est loin d’être évident», explique le médecin qui a donc proposé l’idée au CHM il y a deux ans. A force d’arguments des professionnels et du procureur de la République, la direction du CHM a fini par reconnaître l’utilité d’un fonctionnement calé sur les pratiques métropolitaines.

Le Dr Stephan Jammart s'occupe des vivants et des morts
Le Dr Stephan Jammart s’occupe des vivants et des morts

Il y a quelques jours, c’est donc un service à part entière qui a vu le jour. Il est désormais susceptible d’accueillir des médecins légistes en propre et de permettre à Mayotte de fonctionner de façon bien plus autonome… même si l’attractivité du département n’est pas favorable, dans ce domaine-là non plus.

«C’est une spécialité de la médecine singulière et c’est quelque chose de très pointu. On ne soigne pas vraiment. On prend en charge les victimes sans faire de soins. On les oriente ensuite vers les spécialistes. C’est donc beaucoup de travail en réseau», précise le docteur Jammart.

S’occuper des vivants

Lorsqu’on parle de médecine légale, les premières images qui viennent sont celles de séries ou de films qui mettent en scène la pratique d’autopsies pour rechercher la cause d’une mort violente. Mais la spécialité couvre en réalité des actes aussi nombreux que variés.

Avec Samir Ahamadi, assistant au service de médecine légale du CHM
Avec Samir Ahamadi, assistant au service de médecine légale du CHM

La médecine légale concerne d’abord les vivants, avec la victimologie, les consultations de personnes concernées par des agressions physiques ou sexuelles et de maltraitance. «En métropole, on a par exemple des cas de maltraitance de personnes âgées. Ce n’est pas le cas à Mayotte», relève Stéphan Jammart. La particularité mahoraise se situerait plutôt du côté des personnes concernées par des coups de chombo.

Le médecin peut convoquer une personne si une incohérence apparaît dans une enquête, par exemple lorsque le récit diffère entre une victime et son agresseur sur le nombre de coups de couteau donnés. C’est le légiste qui établira la vérité médicale. De même, une expertise peut être effectuée pour modifier des jours d’incapacité totale de travail (ITT) attribués à un patient.

Le médecin légiste intervient aussi auprès des personnes placées en garde à vue. «Il faut s’assurer que l’état de la personne concernée est compatible avec une mesure qui est une privation de liberté».

Expliquer la mort

Mais la médecine légale, c’est aussi le volet très sensible de la «thanatologie», l’étude du corps des défunts. «Quand une personne décède dans des circonstances particulières, les constatations et les premiers prélèvements sont faits sur place par le médecin légiste. Plus cette phase est réalisée rapidement, moins les éléments que l’on peut être amenés à chercher sont détériorés par les bactéries. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un pays chaud, c’est crucial».

L'enjeu pour le CHM, attirer et conserver ses professionnels
L’enjeu pour le CHM, attirer et conserver ses professionnels

Enfin, sur réquisition du procureur, le médecin légiste peut être amené à effectuer des autopsies. Le travail portera alors sur les différentes traces anormales, de coups ou autres, et sur l’étude des différents organes pour voir si la mort n’a pas été causée par des éléments qui n’apparaissaient pas au premier examen du corps.

«C’est un travail ‘commémoratif’, il faut tout replacer dans le contexte. Il faut connaître les antécédents de santé de la personne, les traitements qu’elle pouvait prendre, échanger avec les enquêteurs sur les circonstances et finalement établir un rapport destiné au procureur».

Après l’autopsie, une intervention coutumière permet de respecter les rites religieux dans le processus du décès. Et c’est le procureur qui décide que le corps peut être rendu à la famille lorsque tous les éléments médicaux, essentiels pour que la justice puisse trancher, sont établis.

Contribuer à la compréhension d’une affaire

«Contrairement à la métropole, ici, on travaille seul et on ne dispose pas de tout le plateau technique. Par exemple, certains prélèvements qui vont permettre de dater une plaie sont envoyés à La Réunion ou en métropole», explique le docteur Jammart.

«C’est très intéressant de pouvoir contribuer à la compréhension d’une affaire et de travailler avec la justice, la police et la gendarmerie», confie Stéphan Jammart. A présent, l’enjeu pour le CHM est donc de parvenir à stabiliser le service, à attirer des professionnels précieux et à les garder sur place. Car, leur connaissance de la culture mahoraise est aussi essentielle pour continuer l’important travail de pédagogie autour d’un exercice sensible mais essentiel de la médecine.

RR
www.lejournaldemayotte.com

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