Evidemment, ce mardi matin dans la salle de cinéma, au moment de la remise des sacs remplis des tenus «olympiques», les jeunes sportifs comme les officiels présents ont tous en tête la question du drapeau et de l’hymne national.
Madi Vita, le président du CROS (comité régional olympique et sportif), a crevé l’abcès dans son allocution. «Ce sont vos jeux, vu l’actualité, je souhaiterais que vous ne soyez pas détournés du mouvement sportif». Bien sûr, il ne faut pas oublier que c’est un évènement sportif, mais le président du CROS relève quand même «qu’il y a eu régression. Ca relève des élus, des parlementaires et ils auront à nous dire, ce qu’ils ont fait ou pas…»
Et effectivement: que s’est-il passé? Qui n’a pas fait quoi? Ces questions taraudent les esprits. Pour Mohamed Sidi, l’élu départemental en charge de la coopération régionale, «l’important est que vous alliez défendre les couleurs du département, je ne veux pas revenir sur l’actualité car j’estime que ce n’est pas le lieu», a-t-il simplement indiqué aux jeunes.
Et pourtant, pour tous ceux qui étaient présents, c’était bien le lieu, puisque la politique empêche ces jeunes sportifs de bénéficier du drapeau de leur pays et de leur hymne national en cas de victoire.
Madi Vita, dans son discours a d’ailleurs rappelé «qu’il s’agissait là d’identité, d’identité mahoraise, elle est là et elle doit être respectée. Mayotte française doit être respectée en tant que telle». Une identité française à revendiquer encore, en tout cas devant les instances comoriennes et régionales.
Ne pas créer d’incident diplomatique
C’est donc à Bernard Rubi, le directeur de la DJSCS (Direction jeunesse, sport et cohésion sociale), d’expliquer les raisons de ce «rétropédalage» de l’Etat français face à la participation de Mayotte aux jeux des îles. Explication de texte: «L’année dernière Mayotte avait arboré les couleurs françaises alors que les textes ne le prévoient pas». Effectivement. Mais, Mayotte l’a fait et pourquoi ne pourra-t-elle pas le faire à Madagascar? Pourquoi les textes n’ont-ils pas été changés?
«Le ministre malgache de la jeunesse et des sports a proposé que tous les participants arborent le même drapeau des jeux, mais cela a été refusé. Finalement, il y aura donc application stricte de la charte des jeux» dit-il, dans une salle de cinéma silencieuse.
L’amitié et les sourires
La France explique comment des Français ne pourront pas afficher leur couleur nationale. «C’est dans un esprit de concorde qu’il faut voir ces jeux de Madagascar», rajoute-t-il. «C’est la promotion de l’amitié entre les iliens», dit-il enfin, en lisant les mots de Patrick Kanner, le ministre français des sports. Une phrase qui fait sourire dans la salle.
Les premiers concernés, les jeunes sportifs eux, se disent déçus et frustrés, mais la consigne a été claire. «On attend un comportement exemplaire» de leur part, en attendant les rencontre entre Paris et Moroni. En terme plus clair: Ne créez pas d’incident diplomatique. Même en cas de médaille d’or, n’affichez pas les couleurs françaises, «parce que vous représentez avant tout Mayotte».
Certains internautes pour le boycott
La question anime évidemment les réseaux sociaux. Sur la toile, les Mahorais ont déjà arboré leurs drapeaux, en souvenir des jeux des îles de 2015. Yazidhou Maandhui, lui-même dans la délégation mahoraise de judo aux JIOI et très actif sur Facebook, a posté un long texte, se demandant les raisons de ce retour en arrière: «Nous n’avons aucunement à nous rabaisser au point de négocier nos symboles républicains. Personne sur le territoire de France et de Navarre ne peut accepter cette insulte… Aucun de nos jeunes ne doit aller se salir sans des maillots reprenant les couleurs de notre pays, sans notre drapeau, sans notre hymne national. Nos anciens ne se sont pas battus pour qu’on accepte d’être traînés dans la boue».
Des paroles qui font écho aux commentaires laissés sur cette page. Un internaute est lui aussi contre la participation de Mayotte à ces Jeux: «Moi, je me demande tout simplement pourquoi nous envoyons nos frères et sœurs se faire humilier par des prétentieux pseudo-indépendants. On peut vivre heureux sans ces jeux (à la c…). Alors Mahoraises, Mahorais, levons nous et demandons à nos élus de ne plus envoyer nos frères et sœurs se faire humilier. Boycottons ces jeux de merde. Disons comme les anciens le disaient: Non karivendzé».
Question de dignité
Pour cet autre internaute, c’est la France, la fautive: «Que les Mahorais aillent aux Jeux des îles avec ou sans le maillot ou drapeau tricolore dépend de la volonté de la France. Osons le dire. Encore une fois, c’est la diplomatie française. A nous, responsables politiques ou associatifs d’aller une bonne fois pour toute à Paris et montrer notre mécontentement. Et si finalement, on repensait à l’idée de notre cher MZE (ndlr: Younoussa Bamana), aux prochaines élections présidentielles, on prépare notre propre bulletin pour les urnes. On va dire que c’est pas digne pour La République? Alors cette question de drapeau ou pas drapeau n’est pas non plus digne pour La République».
La question de Mayotte déchaine une fois de plus les passions. Les mahorais attendent une position ferme de la France.
K.A
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