«Voilà plus de dix ans depuis que Mayotte est admise à participer aux jeux des îles et aux jeux de la CJSOI en tant qu’entité, sans la possibilité pour les athlètes Mahorais d’arborer le drapeau national français en cas de médaille. C’est le compromis diplomatique trouvé pour contenir les velléités de l’Etat comorien qui continue à contester l’appartenance de Mayotte à la France.
Ainsi le débat revient régulièrement entre ceux qui pensent que c’est une bonne chose pour nos sportifs de pouvoir se confronter avec leurs homologues de la région même sans le drapeau et les partisans du tout ou rien qui disent que Mayotte doit refuser d’y participer sans le drapeau. Je vais moi aussi apporter ma modeste part de contribution.
« Les résultats commencent à être là »
Avant tout, Je veux saluer ici, chaleureusement, la position constante du mouvement sportif Mahorais, qui depuis toujours, est resté dans son rôle en privilégiant les intérêts sportifs. Le CROS Mayotte a en effet compris que ces jeux constituent une formidable opportunité pour les équipes et pour les athlètes de progresser, en se confrontant avec les meilleurs de la région. Et le temps semble leur donner raison car les résultats commencent à être là. Nos sports collectifs ont atteint un niveau très respecté et en sports individuels des valeurs sûres émergent.
Je veux dire ici aussi mon estime et mon affection pour nos sportifs très talentueux. Personnellement, je vis avec beaucoup d’émotion les cérémonies de remise de médaille car j’ai appartenu à une génération de sportifs Mahorais qui entrait sur le terrain pour jouer contrer des Malgaches ou des Réunionnais en tremblant. Aujourd’hui nos enfants font jeu presque égal avec eux et parfois nous arrivons à les battre.
« Stigmatisant, frustrant, humiliant »
Cela étant, une chose doit être dite avec une voix suffisamment haute et intelligible et je le dis telle que je le pense.
Un des enjeux fort de ces jeux des îles, c’est l’éducation de nos enfants ; à travers ces jeux nous devons leur apprendre qu’ils sont amenés à vivre dans monde ouvert, d’amitié, de fraternité, régie par des règles claires, imposables à tous. Or lorsqu’on remet la médaille aux jeunes Mahorais, et seulement aux jeunes Mahorais, avec le drapeau des jeux, c’est stigmatisant, c’est frustrant, c’est humiliant ; il y a quelque chose de minable sur le plan éducatif qui n’est pas compatible ni avec l’esprit de concorde des jeux ni avec à l’idée que les Français de Mayotte se font de la France.
J’adresse mon propos à l’endroit des compatriotes qui ont l’honneur de gérer les affaires de notre pays, notamment les responsables des ministères des Outre-mer, des sports et des affaires étrangères qui ont eu à gérer ce dossier : il ne peut pas y avoir des intérêts français contraires aux Français eux-mêmes, Mahorais soient-ils. On entend fréquemment dire que la France n’osera jamais imposer son point de vue sur cette question car il y a d’autres intérêts bien supérieurs qui gravitent autour, tels que la francophonie, les îles éparses, les amitiés historiques avec les Comores et les autres pays de la COI. Soit.
Mais, je le dis, cette manière de faire, d’accepter et de cautionner l’humiliation de Français au nom des intérêts français économiques et géostratégiques a connu son heure de gloire pendant la période sombre de l’histoire de la France avec le régime de Vichy.
« L’Histoire doit servir à quelque chose »
Et aussi il faut le dire et je le dis, la méthode qui consiste à envoyer des fonctionnaires de la Préfecture sur le terrain pour veiller à ce que dès l’aéroport et dans les vestiaires des athlètes Mahorais aucun signe symbolique laissant dire que Mayotte est une entité française n’apparaisse, c’est tout aussi inacceptable. C’était au nom des funestes chartes et règlements du 3e Reich qu’un Préfet tristement connu remplissait ses missions avec loyauté et zèle pour le compte de l’Etat.
L’Histoire doit servir à quelque chose surtout en cette période difficile où des individus se lèvent le matin, prennent un camion ou un couteau et décident d’aller tuer des Français dans la rue ou dans des lieux de culte parce qu’ils sont Français. Les autorités de l’Etat Français ne doivent pas un tant soit peu cautionner qu’on interdise à des Français d’arborer avec fierté les symboles constitutifs de l’identité Française.
Derrière cet imbroglio diplomatico-sportif, c’est la question de l’acceptation « réelle » de Mayotte dans la République qui est posée encore et toujours et ce sera à mon sens un des enjeux des élections nationales de 2017 sur cette terre de Mayotte, terre très attachée aux valeurs de la République Française.»
Zaidou Tavanday, ancien conseiller général de Mamoudzou